Laurence Delain-David
ÉpargneL’assurance vie s’ouvre au capital investissement
Soucieux de réorienter une fraction de l’épargne des Français vers les entreprises, le gouvernement a profité de la loi Macron du 6 août 2015 pour faciliter l’accès au private equity (sociétés non cotées) dans le cadre de l’assurance vie. Une première offre promue par Axa est sortie début juillet. Une autre, conçue par CNP Assurance, est attendue le 12 septembre. Décryptage.
Lancé le 5 juillet, le premier contrat d’assurance vie résolument orienté vers le soutien aux entreprises a fait grand bruit dans le monde de la finance. Inaugurée par Axa France et portée sur les fonts baptismaux par le désormais ex-ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, cette nouvelle offre, baptisée Nextstage Croissance, témoigne une nouvelle fois de la volonté conjuguée du gouvernement et des assureurs de pousser les épargnants vers davantage de prise de risque en finançant les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Diversification
Pour rappel, l’assurance vie pèse aujourd’hui quelque 1 615 milliards d’euros. Or plus des trois quarts de ces encours sont placés en fonds en euros sécurisés (le capital est garanti à tout moment). Majoritairement investis en obligations d’État et d’entreprises, ces supports, qui ont encore rapporté l’an passé 2,3 % en moyenne (avant frais sur versement et prélèvement sociaux), sont fortement impactés par le plongeon inédit des taux (fin août, l’indice de référence du secteur, l’OAT 10 ans, a enfoncé le seuil des 0,2 % !). Non seulement leur rentabilité financière pâtit de ce repli drastique de la rémunération obligataire (cette année, le rendement moyen des fonds en euros devrait passer sous la barre des 2 %), mais cette configuration hypothèque l’avenir de la garantie permanente en capital dont ils bénéficient. Celle-ci coûte en effet de plus en plus cher en fonds propres aux assureurs qui n’ont de cesse ces derniers temps de pousser leurs clients vers les unités de comptes (UC), des supports placés en valeurs mobilières dont la performance potentielle provoque en contrepartie une prise de risque accrue (voir notre enquête de juillet 2016). Certains réseaux incitent également à regarder du côté des nouveau fonds euro-croissance. Mais la mécanique complexe de ce produit associée à un report de garantie à terme (huit ans minimum) peine à convaincre.
La voie étroite du non-coté
L’initiative en faveur du private equity s’inscrit dans cette même logique de diversification. En soi, elle n’est d’ailleurs pas nouvelle. Cela fait déjà plusieurs années que les pouvoirs publics encouragent, par des allègements fiscaux dédiés, les assurés à soutenir les entreprises non cotées, au travers de contrats spécifiques (offres « DSK », refondues en « NSK » et plus récemment « Vie génération », qui profitent d’un abattement successoral majoré de 20 % en contrepartie d’un investissement en capital risque et/ou solidaire). Mais l’article 137 de la loi Macron ajoute une pierre à l’édifice. Jusqu’à présent, si un assuré misait sur du non-coté dans le cadre de son assurance vie (dans la limite des 10 % autorisés), il était, en cas de rachat anticipé ou de transmission, confronté à un problème de liquidité pour la quote-part de son contrat investie en private equity. La loi Macron lève ce frein en permettant au bénéficiaire du contrat (souscripteur en vie, ou héritier désigné) de recevoir dans ce cas non plus du cash, mais des titres, correspondant généralement à la valeur des parts du FCPR (fonds communs de placement à risque) par lequel aura transité l’investissement dans les entreprises non cotées.
Difficile contrepartie
Attention toutefois, comme le souligne Olivier Mariée, directeur des activités épargne et Wealth Management d’Axa France, en aucun cas ce type d’investissement ne s’adresse au grand public. « Cette solution de diversification est réservée à une clientèle patrimoniale avertie qui, dans le cadre de son assurance vie, souhaite accéder à cette classe spécifique d’actifs de long terme dont l’usage exige maintes précautions ». Liquider à bon escient les titres correspondant à son capital investissement demande en effet un minimum d’expertise. Fort de ce constat, CNP Assurances, qui lancera dans quelques jours dans le cadre de ses gammes CNP Patrimoine, sa nouvelle offre de private equity, assurera elle-même le rachat de ces titres.
Fiche technique de l’offre d’Axa France
Nom de l’UC : NextStage croissance
Société de gestion : NextStage AM
Objectif : Investissement dans NextStage SCA, elle-même investie majoritairement dans des PME et ETI françaises ou européennes.
Frais de gestion du fonds : 1,1 %/an (+ frais propres au contrat).
Montant minimum d’accès : 100 000 € (une quote-part maximum 10 % de chaque versement peut être investie sur le support. Les arbitrages et les actes de gestion automatiques ne sont pas autorisés).