Erwan Seznec
ÉolienMoins-value immobilière
Des dommages et intérêts ont été accordés aux acheteurs d'une maison qui n'avaient pas été prévenus par le vendeur qu'un parc éolien allait être construit aux alentours.
Une éolienne dans le paysage et votre maison perd 10 % de sa valeur. Voilà en résumé la portée d'un arrêt rendu le 9 avril par la première chambre de la cour d'appel d'Angers. L'affaire opposait les vendeurs et les acheteurs d'une bergerie restaurée située à Tigné (Maine-et-Loire) dans les coteaux du Layon.
En 2007, les époux Martin signent une promesse de vente avec les Durand (1). Peu de temps après, les acheteurs apprennent qu'un parc d'éoliennes va peut-être se construire à environ 1 km de leur futur logement. Ce que ne pouvait ignorer M. Durand : il est élu local ! Animés par le sentiment d'avoir été menés en bateau, les Martin demandent un rabais de 10 % aux Durand, qui refusent. Les nuisances environnementales, selon les vendeurs, ne sont pas si grandes. De plus, le parc ne verra peut-être jamais le jour, car le permis de construire fait l'objet d'un recours de la part de riverains (ce qui arrive une fois sur deux dans ce genre de projet, selon le Syndicat des énergies renouvelables).
Les Martin portent l'affaire en justice et gagnent en première instance. Le tribunal ordonne la réalisation forcée de la vente et condamne les Durand à 36 000 euros de dommages et intérêts (soit 20 % du montant de la vente) pour dol, c'est-à-dire pour cette rétention d'information fautive. Le dossier arrive devant la cour d'appel, qui annule la vente forcée et réduit la sanction infligée aux Durand à 18 000 euros, mais en donnant entièrement raison aux Martin sur le fond. « L'arrêt assassine les éoliennes en dix lignes », résume leur avocat, Ivan Jurasinovic. « Sans qu'il soit besoin d'entrer dans la polémique passionnelle opposant les militants de l'énergie éolienne et les riverains des parcs existants », écrivent les magistrats, les Durand « ne peuvent sérieusement soutenir que l'implantation à proximité de leur propriété (entre 1,1 et 1,6 km) d'ouvrages aussi imposants et parfaitement insolites dans le paysage angevin que ces éoliennes, sources d'inévitables nuisances sonores et d'importantes transformations paysagères et environnementales, soit un événement à ce point anodin ou négligeable qu'ils pouvaient, de bonne foi, le taire à leurs futurs acquéreurs ». Les éoliennes de la discorde mesurent, de fait, 80 m de diamètre et 120 m de haut, « soit la hauteur de la cathédrale de Chartres », souligne Me Jurasinovic.
Une décision à relativiser
Coup dur pour l'éolien ? Sans l'ombre d'un doute, mais la portée de l'arrêt est peut-être à relativiser. D'une part, la cour d'appel souligne bien que pour évaluer le préjudice, elle a tenu compte de l'atteinte portée à « l'unité paysagère de la vallée du Layon ». Un champ d'éoliennes posé près d'une raffinerie ou dans une morne plaine à betteraves n'aurait pas le même impact. D'autre part, la cour a visiblement voulu sanctionner durement la mauvaise foi des vendeurs, qui avaient mis leur maison en vente peu de temps après avoir appris l'existence du projet d'éoliennes. Les magistrats ont d'ailleurs fait preuve d'une réelle mansuétude à l'égard de l'agence immobilière qui avait servi d'intermédiaire. Tout en considérant qu'elle avait participé à la « désinformation » des époux Martin et qu'elle devait être condamnée au même titre que les Durand, elle l'a dispensée de payer sa part de dommages et intérêts, qui sera assumée entièrement par les vendeurs.
1. Il s'agit de pseudonymes.