Électrosensibilité reconnue comme handicapL’assurance maladie a déjà fait appel
La Maison départementale du handicap de l’Ariège a saisi la cour nationale de l’incapacité, suite à une décision de première instance accordant pour deux ans seulement une allocation pour adulte handicapé à une personne se disant électrosensible.
La presse française a fait état ces derniers jours d’une décision de justice amenant l’assurance maladie à reconnaître l’électrohypersensibilité comme un handicap. Le point de départ est une décision rendue le 8 juillet 2015 par le tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse (TCI). Cette juridiction peu connue est l’équivalent des Prud’hommes pour l’assurance maladie. En première instance, elle est constituée d’un magistrat professionnel et de deux assesseurs, l’un représentant les salariés et l’autre les employeurs. Le TCI se prononce, entre autres, sur les décisions relatives au degré d’invalidité et d’incapacité.
L’affaire opposait en l’occurrence la Maison départementale du handicap de l’Ariège à Marine Richard, 39 ans, qui se dit électrosensible et demandait à bénéficier d’une allocation. L’allocation lui a été refusée, l’électrosensibilité n’étant pas reconnue comme un handicap en France (elle ne l’est pas davantage en Suède ou en Espagne, contrairement à une information largement diffusée mais erronée). Sa demande ayant également été rejetée par la commission de recours à l’amiable, Mme Richard a saisi le TCI. Celui-ci a ordonné une expertise confiée à un médecin généraliste de l’Ariège. Sur la base de cette expertise, le TCI souligne que « le syndrome d’hypersensiblité aux ondes électromagnétiques » ne fait « pas partie des données acquises, avérées, de notre système de santé français ». Les signes cliniques étant néanmoins « irréfutables », les juges accordent à Mme Richard qu’elle est invalide à 85 % et peut donc bénéficier d’une prestation de compensation de handicap.
Deux points très importants ont été occultés dans la présentation de cette décision. Le premier est que le TCI a accordé l’allocation pour adulte handicapé à Mme Richard pour deux ans à compter du 1er avril 2013. Autrement dit, elle n’était déjà plus considérée comme telle au moment où la décision a été rendue. Second point, cette décision est susceptible d’appel devant la Cour nationale de l’incapacité, qui se trouve à Amiens. Or, la Maison du handicap de l’Ariège nous a confirmé par écrit qu’elle avait déjà « formé appel à l'encontre de la décision du tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse concernant le dossier de Madame Marine Richard ». L’instance ultime serait la chambre sociale de la Cour de cassation.
Les électrohypersensibles détectent-ils les ondes ?
Marine Richard a écrit un livre en forme de témoignage. Intitulé Sous l’ondée : survivre en étant électrosensible, il est disponible en ligne. Elle y raconte que son hypersensiblité s’est déclenchée à l’hiver 2007-2008. Elle s’étend non seulement aux téléphones, antennes relais et box Wi-Fi, mais également aux câbles et aux transformateurs du réseau électrique (p. 118). Elle explique (p. 94) qu’elle est membre de trois associations : Priartem, Robin des toits et Une terre pour les EHS, dont elle est secrétaire.
Dans le cadre d’une enquête sur les personnes se pensant électrohypersensibles, publiée en décembre 2014, nous avions contacté ces trois associations. Nous leur avons demandé à plusieurs reprises s’il était possible d’être mis en relation avec ces hypersensibles qui se disent en mesure de détecter les ondes. Marine Richard, par exemple, affirme dans son récit (p. 119) « ne plus supporter de rester en présence de téléphones portables allumés » et dit ressentir « des douleurs intracrâniennes très violentes avant qu’ils ne sonnent ou ne reçoivent des messages ». Nous attendons toujours une démonstration et nous attendrons probablement longtemps. Des dizaines d’études en double aveugle ont montré que les EHS ne détectaient pas les champs électromagnétiques. Certains le croient, probablement de bonne foi, et associent un mal de tête soudain au voisinage d’un téléphone. La réalité de leur souffrance est indéniable et appelle peut-être une prise en charge par l’assurance maladie, mais sur un fondement objectif. Or, tout porte à croire que l’électrosensibilité n’en est pas un.
Droit de réponse de l’association Priartem en date du 21 octobre 2015
Priartem indique qu’elle n’a jamais reçu de demande de M. Erwan SEZNEC, visant à rencontrer des personnes capables de détecter les ondes et que ce n’est pas là la définition qu’elle retient de l’électrosensibilité. Elle rappelle qu’elle a demandé un droit de réponse sur la précédente enquête, sans satisfaction à ce jour.
La réponse de Que Choisir
Le droit de réponse de Priartem confirme implicitement deux enseignements essentiels. Tout d'abord, il n'y a pas de définition académique, scientifiquement admise, de l'électrosensibilité. Priartem a la sienne, fondée sur des convictions, et non des preuves. Second enseignement, au terme de plus d'un an d'échanges souvent vifs, Priartem ne propose toujours pas la confrontation avec une personne présentant des symptômes indubitablement reliés à l'exposition aux émissions d'une box Wi-Fi, d'une antenne relais ou d'un téléphone portable. À la date du 20 octobre 2015, nous restons plus que jamais à la disposition de l'association pour examiner, en toute objectivité, un témoignage de cette nature.