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ÉlectricitéA qui profite le froid ?

La vague de froid actuelle entraînant des pics de consommation historiques, le Réseau de transport d'électricité (RTE) demande aux particuliers de Bretagne et de Paca de réduire « impérativement » l'éclairage et le chauffage, sous peine de coupures massives. Une alarme aux accents solennels, mais qui masque opportunément un certain nombre d'incohérences.

Les particuliers doivent-ils devenir la variable d'ajustement du système électrique français ? Voilà, d'une certaine manière, la question posée par la vague de froid qui touche actuellement la France. Confronté à une demande inhabituelle, RTE (Réseau de transport d'électricité), gestionnaire des lignes à haute tension, appelle depuis plusieurs semaines les consommateurs de Bretagne et de Paca à réduire chez eux l'éclairage et le chauffage entre 17 h et 20 h. Ces deux régions sont ce qu'on appelle des « péninsules » électriques. Situées en bout de réseau, elles sont difficiles à alimenter. Alors que la distance moyenne entre une centrale et un consommateur est de 80 km en France, elle dépasse les 300 km dans le Finistère, les Côtes-d'Armor et le Morbihan.

En Bretagne, là où la situation est la plus préoccupante, RTE vient de créer un site Internet, Ouest-ecowatt.com. Il renseigne tout un chacun sur la situation à un instant « T ». Les 7, 8 et 9 janvier atteignaient par exemple le niveau « alerte rouge ». Les consommateurs sont appelés à réduire « impérativement » leur consommation, sous peine de délestage, c'est-à-dire de coupures de courant.

Chiffres invérifiables

Difficile en apparence de critiquer une telle initiative. D'autant plus que, toujours selon RTE, un ménage qui joue le jeu pourrait économiser entre « 448 et 885 euros par an » sur sa facture d'électricité. Admettons. Mais si ce chiffre impressionnant est exact (RTE n'a pu trouver le temps de nous dire comment il était calculé), une question subsiste. Pourquoi attendre les périodes de crise pour le communiquer, pourquoi ne pas lancer une campagne de communication massive ?

La réponse est très simple : RTE ne tient pas vraiment à diminuer la consommation d'électricité des Français. Le gestionnaire doit maintenir l'équilibre entre la fourniture et la consommation, ce qui est très différent. Ce n'est d'ailleurs pas une tâche facile, car l'électricité ne se stocke pas. Mais à tout prendre, RTE a plutôt intérêt à ce que ce délicat équilibre s'établisse à un niveau élevé. Ses recettes en dépendent partiellement, puisque le gestionnaire perçoit des redevances sur l'électricité vendue via ses lignes par les fournisseurs comme EDF, Poweo ou Alternext. Par ailleurs, dans l'hypothèse (très improbable) où les habitants de Paca ou de Bretagne couperaient brusquement le courant un soir chez eux par centaines de milliers, le réseau s'en trouverait tout aussi déséquilibré que par un excès de consommation. L'idéal du point de vue de RTE n'est pas le ménage économe, mais celui qui consomme au bon moment de l'année ou de la journée. Ses ingénieurs ont d'ailleurs testé un petit boîtier mis au point par une PME nommé Voltalis. Installé sur le compteur des particuliers, ce boîtier leur coupe le chauffage quand RTE le souhaite. Pas longtemps, de manière paraît-il tout à fait imperceptible, mais uniquement quand RTE en a besoin pour équilibrer son réseau ! Mais pas question de laisser les particuliers le programmer eux-mêmes, ils risqueraient d'être tentés d'économiser le courant tout au long de l'année.

Les remparts de Dinan splendidement éclairés

L'éventualité de délestages massifs est certes trop préoccupante pour pinailler sur les efforts de RTE, mais il n'est pas interdit de relever d'autres incohérences. Est-il normal que EDF continue à faire de la promotion pour des prêts à taux préférentiel (type Vivrélec ou Habitat Neuf) en faveur du chauffage électrique partout en France, y compris en Bretagne et en Paca ? Par ailleurs, qu'attendent les pouvoirs publics pour sensibiliser énergiquement les collectivités locales du Sud et de l'Ouest aux économies d'électricité ? Entre le chauffage des mairies, piscines, serres ou bibliothèques et l'éclairage urbain, le gisement d'économie est considérable. Ironie du sort, la ville la plus avancée de France en la matière est sans doute Lorient (56), qui se chauffe depuis longtemps au bois et au photovoltaïque et s'éclaire aux lampes basse consommation. Vannes (56) a décidé de ne plus éclairer certains lieux touristiques pendant les alertes, mais les bonnes pratiques sont loin d'être généralisées. Comme le relevaient les internautes s'exprimant sur le forum de Ouest-ecowatt.com, en pleine alerte rouge, les remparts de Dinan (22) ou le château de Châteaugiron (35) restaient splendidement éclairés...

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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