Anne-Sophie Stamane
La justice européenne à l’appui des victimes
Pour les victimes d’accidents suite à un vaccin, le parcours pour faire reconnaître le lien de causalité entre le produit et la survenue de leur maladie est semé d’embûches juridiques. La Justice européenne vient de rendre une décision qui pourrait faciliter leurs démarches.
Le débat sur les effets indésirables des vaccins vient de prendre un nouveau tournant, sur le front juridique cette fois. La semaine dernière, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt qui pourrait faciliter la reconnaissance et l’indemnisation des victimes : elle considère qu’un juge national, même « en l’absence de preuves certaines et irréfutables », peut « conclure au défaut d’un vaccin et à l’existence d’un lien causal entre celui-ci et une maladie sur la base d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants […]. »
Bonne nouvelle pour les victimes, les certitudes scientifiques ne seront plus incontournables pour prouver l’implication d’un vaccin dans la dégradation de l’état de santé ! En l’occurrence, la CJUE se prononçait sur le cas d’un Français, aujourd’hui décédé, qui avait déclaré une sclérose en plaques (SEP) quelques mois après avoir reçu un vaccin en trois injections contre l’hépatite B. Dans la procédure engagée contre le laboratoire Sanofi Pasteur, la cour d’appel de Paris avait rejeté le recours au motif que le lien de causalité n’était pas scientifiquement établi. Et il est vrai qu’aucune preuve formelle, à ce jour, ne montre, ni n’infirme d’ailleurs, la responsabilité du vaccin dans la sclérose en plaques. Cependant, le bon état de santé de la victime avant la vaccination, l’absence totale d’antécédents familiaux, la manifestation des symptômes quelques jours après la dernière des trois injections, et le nombre de cas déjà enregistrés de SEP après vaccination contre l’hépatite B, tendaient à laisser penser que le vaccin était pour quelque chose dans la survenue de la maladie. Ce que la CJUE confirme.
Brèche dans une loi qui protégeait plutôt les laboratoires
Son arrêt valide en réalité une interprétation déjà appliquée par certains juges, notamment en France devant les tribunaux administratifs dans le cas de vaccination obligatoire. « La nouveauté vient de la prise en compte d'un nouvel indice, à savoir le nombre de cas identiques. Dans l’hypothèse d’une action de groupe contre un vaccin, l'accumulation de demandeurs pourrait donc jouer en leur faveur », souligne Laurent Bloch, professeur de droit privé à l’Université de Pau (64).
Autre avancée, moins marquée : de la seule causalité pourrait découler la défectuosité du produit. Or c’est la défectuosité du produit qui, selon le droit européen transposé dans le droit français, ouvre la voie à une indemnisation. « La CJUE ne prend pas clairement parti sur ce point mais elle ne semble pas l'exclure », note Laurent Bloch. Il s’agirait alors d’une brèche dans une loi qui protège plutôt, jusqu’alors, les laboratoires, prouver la défectuosité d’un médicament ou d’un vaccin étant quasiment impossible à partir du moment où l’effet indésirable est mentionné dans la notice.