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Éco-emballagesLe carnaval des hypocrites

Coup de tonnerre dans le monde du recyclage : l'organisme Éco-emballages aurait dissimulé de l'argent dans des paradis fiscaux ! Le gouvernement met l'affaire sur la place publique. Une prise de conscience bien tardive, qui passe à côté d'autres dysfonctionnements dénoncés depuis longtemps par « Que Choisir ».

Le communiqué du ministère de l'Agriculture est tombé mardi 9 décembre. Éco-emballages, l'organisme chargé de financer le traitement des déchets d'emballages ménagers, aurait placé près de 60 millions d'euros dans des paradis fiscaux. Crise oblige, cette société privée chargée d'une mission de service public accuserait des pertes potentielles très élevées, car l'argent en question a été investi dans des produits à haut risque !

Dès le lendemain, le patron d'Éco-emballages est convoqué au ministère de l'Écologie. Il est contraint de démissionner le 15 décembre. Ulcérées, les collectivités locales tempêtent. Organisatrices de la collecte des ordures ménagères, ce sont elles qui doivent recevoir en dernier ressort les fonds collectés par Éco-emballages. Créé en 1992, ce dernier joue les intermédiaires entre le public et le privé. Il perçoit une redevance versée par les industriels en proportion de la masse d'emballages qu'ils mettent sur le marché, et il redistribue l'argent aux communes pour financer le ramassage et le traitement des ordures.

Contrairement à ce que croit trop souvent le consommateur, le label « Éco-emballages » n'est pas un gage de recyclage. Il signifie juste qu'un industriel a payé sa dîme.

Juridiquement, Éco-emballages est une société anonyme simplifiée à but non lucratif. Ce qui amène une première interrogation. Quel besoin a-t-elle de s'orienter vers un « paradis fiscal », puisqu'en vertu de son statut, ses provisions sont exonérées d'impôt sur les sociétés et que l'organisme paye des impôts seulement sur les revenus de ses placements ?

Organisme financier à Zurich

Deuxième interrogation, d'où viennent les provisions en question ? Elles n'ont rien de mystérieux. Chaque année, Éco-emballages collecte quelque 410 millions d'euros auprès de 50 000 entreprises. Comme elles ne reversent pas tout immédiatement aux collectivités, elle a une grosse trésorerie (300 millions d'euros). Mis en demeure de s'expliquer, ces dirigeants vont valoir que 80 % de leur cagnotte est placé en produits sans risque à rendement très faible. Mais le reste, ils ont bien dû l'admettre, a été investi dans des fonds spéculatifs, « via un organisme financier de Zurich »...

Troisième interrogation : pourquoi l'État a-t-il attendu l'épreuve de la crise financière pour s'interroger sur l'efficacité du « machin » ? « Que Choisir » l'a déjà souligné bien au-delà de ses choix de placement discutables, le mode de fonctionnement d'Éco-emballages appelle à une révision sérieuse sur le fond. L'organisme permet aux industriels de s'affranchir largement de leurs obligations. Ils financent 43,4 % seulement du recyclage, le reste étant à la charge des communes. Celles-ci s'en plaignent depuis des années, notamment par la voix de l'association Amorce, leur instance de lobby en la matière, tout comme le Cercle national du recyclage, dont l'UFC-Que Choisir est adhérente Ajoutons enfin que d'autres organismes au mode de fonctionnement similaire à celui d'Éco-emballages ont accumulé, eux aussi, au fil du temps, des excédents très confortables. Plus gros recycleur de déchets d'équipements électriques et électroniques, Éco-systèmes a provisionné 80 millions d'euros en 2007, et quelque 30 millions en 2008. « Tout est placé en Sicav monétaires sans risques », assure son directeur général Christian Brabant...

Situations similaires

Dernière interrogation, et non des moindres : comment l'État a-t-il pu ignorer ce qui se tramait à Éco-emballages, alors qu'il dispose d'un siège au conseil d'administration ? Manque de vigilance, indifférence ? La question mérite d'autant plus d'être posée qu'il existe d'autres situations où de l'argent public se retrouve dans des paradis fiscaux sans que l'État semble s'en émouvoir. Et les sommes en jeu font paraître presque anecdotiques les quelques dizaines de millions d'euros de produits à risque d'Éco-emballages.

« Que Choisir » l'a révélé en octobre dernier (Voir l'enquête « Ventes à la découpe, les zinzins en folie »), et pas un mot de démenti n'a été émis par les intéressés : le Crédit foncier, filiale de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, elle-même filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, utilise des structures au Luxembourg pour échapper à l'impôt sur les plus-values, dans le cadre des ventes de logements à la découpe !

Plus précisément, des immeubles appartenant à la Soclim, filiale française du Foncier, ont été transférés à une autre filiale, mais de droit luxembourgeois, Sorege 3. Passablement sophistiqué, le montage fait intervenir un fonds d'investissement appelé G.O.IB-SIV Luxembourg Two SARL. La finalité, en revanche, est limpide. Il s'agit de soustraire au fisc français des millions d'euros de plus-values. Les faits se sont produits ces 4 dernières années. La méthode a été mise en oeuvre par d'autres foncières ayant pignon sur rue, affiliées à des grands noms de la banque ou de l'assurance, et actives dans le logement social ! À bon entendeur...

Erwan Seznec

Erwan Seznec

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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