Erwan Seznec
Eau de BesançonLes crèches passent à l'eau du robinet
La mairie de Besançon considère que l'eau municipale est d'aussi bonne qualité que les eaux en bouteille et peut parfaitement être utilisée dans les biberons. La démarche agace évidemment les industriels.
C'est une histoire d'eau qui pourrait faire tache d'huile. La mairie de Besançon (25) a décidé de remplacer l'eau minérale dans toutes ses crèches et chez les assistantes maternelles agréées par l'eau du robinet. La mesure est déjà effective pour les enfants en âge de boire au verre et elle le sera bientôt pour ceux qui boivent encore au biberon.
L'économie réalisée est modeste (quelques milliers d'euros par an) et ne constitue pas la principale motivation de la municipalité. « En fait, résume Christophe Lime, adjoint au maire chargé de l'eau et de l'assainissement, nous sommes engagés depuis plus de 4 ans dans une démarche de valorisation de l'eau du robinet, 250 fois moins chère que certaines eaux en bouteille, qui ne génère pas de déchet et qui, au moins à Besançon, est d'une qualité irréprochable. Nous lui avons donné un nom en 2006, qui est devenu une marque, la Bisontine (1). Nous avons communiqué sur sa qualité et sur les 400 contrôles quotidiens dont elle faisait l'objet. »
L'an dernier, la ville, qui gère l'assainissement et la distribution elle-même, a franchi une étape supplémentaire. Elle a passé un accord avec un entrepreneur local qui distribue la Bisontine en bouteilles de verre recyclables. Cela a valu au maire, Jean-Louis Fousseret, un premier courrier courroucé du Syndicat des eaux de source (SES), représentant les grands noms de l'eau en bouteille. Ces derniers se font du souci. Après avoir doublé en vingt ans, le marché est entré dans une phase de récession, avec une baisse des ventes de 7 % l'an dernier. La SES craint bien évidemment que d'autres villes n'imitent Besançon, ce qui accélérerait le virage déjà pris par les particuliers.
Aucun risque
La décision de supprimer les bouteilles des crèches est lourde de sens. L'argument majeur des limonadiers, en effet, a toujours été la santé. Or, quoi de plus fragile que celle d'un bébé ? « Nous avons travaillé avec un pédiatre afin de rassurer le personnel et les parents sur ce point, précise Christophe Lime. Il n'y a aucun risque. »
De multiples études ont montré que la présence d'aluminium (le sulfate d'aluminium est parfois utilisé pour traiter l'eau), de chlore, de pesticides ou de nitrates dans l'eau du robinet pouvait avoir un impact sur la santé à long terme. Dans un second courrier envoyé en juin à Jean-Louis Fousseret, la SES évoque la menace de contamination des bébés par une bactérie pouvant se trouver dans l'eau du robinet, la Pseudonomas aeruginosa, mais ne peut fournir de données sur la fréquence des intoxications par cette bactérie en France. Elle dit avoir recensé 79 cas de pollutions temporaires de l'eau du robinet de début 2006 à la mi-2009, toutes causes confondues. Celles-ci peuvent être provoquées par des inondations, des accidents agricoles, un défaut dans le processus d'épuration, etc. Exact, mais relativisons un peu : sur les 15 ou 20 dernières années, on cherche en vain un mort ou même un cas de malade sérieux imputable à l'eau du robinet.
Les élus bisontins, du reste, ne généralisent pas. « Notre démarche ne pourrait peut-être pas être appliquée partout, admet Christophe Lime, mais là où l'eau du robinet est sûre, il n'y a aucune raison de s'en passer. » Or, c'est le cas dans de très nombreuses communes, et non des moindres. Grenoble ou Marseille, par exemple, jouissent comme Besançon d'une eau excellente. Cette dernière municipalité a par ailleurs initié un programme visant à convertir au bio les agriculteurs de sa zone de captage, afin de limiter les rejets de pesticides. Elle envisage en échange d'acheter leur production pour les cantines scolaires...
1. Les habitants de Besançon sont les Bisontins.