E-commerceEncore trop de fraudes
On s’en doutait, mais le rapport remis au gouvernement le confirme : sur Internet, les pratiques visant à contourner la législation sur les soldes et les promotions en défaveur des consommateurs sont encore très présentes.
Fausses promotions, soldes détournés, rabais enjolivés… Les cybermarchands ne manquent pas d’imagination quand il s’agit d’inciter leurs visiteurs à acheter. Tel est le constat qui ressort d’un rapport (1) remis à Frédéric Lefebvre, le secrétaire d’État à la consommation. Celui-ci s’appuie notamment sur une grande campagne de contrôles effectuée en 2010 par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur 8 400 sites Internet représentant plus de 10 % des sites visant les consommateurs français. Les résultats sont plutôt inquiétants, puisque pas moins de 3 200 anomalies ont été relevées (soit près de 40 % des sites contrôlés en infraction) et près de 1 500 manquements ont donné lieu à des rappels de réglementation ou à des procès-verbaux (soit près de 14 % des cas).
Pour remédier à cette situation, Frédéric Lefebvre a promis de modifier la législation pour renforcer l’information des consommateurs sur leur droit de rétractation et sur l’existence d’une garantie légale de conformité. Par ailleurs, une date unique de début des soldes sera fixée pour tous les sites Internet dès l’hiver 2012 (jusque-là, elle dépendait du lieu d’implantation de la société), la notion de « délai de validité des prix », utilisée par certains sites, sera supprimée (un produit qui n’est plus en vente ne doit pas apparaître sur le site) et les pouvoirs de la Répression des fraudes seront renforcés. Le secrétaire d’État demande enfin à la Fédération de la vente à distance (Fevad) de travailler à la création d’un guide de bonnes pratiques qui sera remis aux cybermarchands afin de les informer sur les pratiques à adopter en matière de vente à distance. Un dispositif qui viendra s’ajouter aux – nombreux - autres textes déjà adoptés par la Fevad : code professionnel, charte de qualité, charte de déontologie sur la publicité ciblée et la protection des internautes, charte des sites comparateurs, charte de confiance des plateformes de vente entre internautes et charte de l’e-mailing !
En revanche, Frédéric Lefebvre s’est dit opposé à certaines mesures favorables aux consommateurs proposées par l’Union européenne, comme la prise en charge des frais de retour par les cybermarchands en cas de rétractation ou l’obligation pour les sites de livrer dans tous les pays européens.
Les pratiques les plus courantes
1 – Le prix de référence surévalué
Pour enjoliver les réductions affichées, certains sites ont tendance à surévaluer le prix d’origine. La DGCCRF a même constaté que des sites de voyages utilisaient comme prix de référence le prix du vol le plus élevé de l’année alors que la promotion s’appliquait à des voyages habituellement moins chers. Selon l’arrêté du 31 décembre 2008, le prix de référence en matière de promotion doit correspondre soit au prix le plus bas pratiqué au cours des 30 derniers jours (c’est toujours le cas pour les soldes), soit au dernier prix conseillé par le fabricant ou l’importateur, soit au prix le plus bas pratiqué au cours des trois dernières années.
2 – Le taux de démarque abusif
Selon la circulaire du 7 juillet 2009, la mention « jusqu’à xx % de réduction » peut être utilisée à condition que les articles bénéficiant du rabais le plus élevé représentent au moins 50 % des articles faisant l’objet d’un rabais, ce qui n’est pas toujours le cas.
3 – Le cadeau interdit
Un marchand n’a pas le droit de proposer d’offre du style : « un jean acheté = un blouson de cuir offert ». Seul un produit identique à celui qui a été acheté peut être offert (article L. 121-35 du code de la consommation).
4 – La fausse promotion
Des sites (notamment dans le secteur du voyage) introduisent au cours du processus de vente des mentions « soldes » ou « promotion » sans changer le prix de vente. Une pratique contraire à la réglementation.
5 – La constitution de pré-liste
Des sites Internet proposent à leurs clients de pré-remplir leur « panier » la veille des soldes, sans connaître les rabais proposés. Ils pourront ensuite valider ou non leurs achats le jour de démarrage des soldes. Cette pratique est interdite car le risque n’est pas négligeable de voir le site moduler ses prix soldés en fonction du nombre d’articles précommandés.
6 – Les soldes déguisés
Avant les soldes, certains sites proposent des « ventes privées » auxquelles tous les internautes peuvent participer dès lors qu’ils s’inscrivent. Une tactique qui permet aux sites à la fois de devancer l’ouverture des soldes et de récupérer des données personnelles. Seule une clientèle restreinte peut bénéficier d’une vente privée organisée dans les 30 jours précédant le début des soldes.
7 – Les dates de soldes non-respectées
Certains sites devancent les périodes de soldes sous prétexte qu’ils sont basés à l’étranger. Dès lors qu’ils s’adressent clairement aux consommateurs français (site en « .fr », rédigé en français avec paiement en euro, notamment), ils doivent respecter les dates de soldes françaises.
8 – Des cadeaux non-évalués
Des sites vendent plus cher des places de spectacle accompagnées de cadeaux (programme, t-shirt, tickets de métro…). Attention car il n’est pas rare que l’augmentation pratiquée soit plus élevée que le prix du soi-disant cadeau. La valeur des articles offerts doit être précisée.
9 – Le droit de rétractation caché
Pendant les soldes, certains sites Internet se font plus discrets sur la possibilité qu’ont leurs clients de se rétracter. Le droit de rétractation s’applique pourtant pendant les soldes.
10 – La législation fiscale contournée
Certains marchands basés à l’étranger profitent des écarts de TVA entre les pays pour proposer des prix plus bas sans payer la TVA en France, ce qui est interdit.
1-Rapport rédigé par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) et l'Institut Français de la Mode (IFM).