Marie Bourdellès
Droits des consommateursLe New Deal européen
Le droit des consommateurs européens est en passe d'évoluer via deux directives que la Commission européenne vient de présenter. Ces avancées visent notamment à mieux protéger les individus et inciter les entreprises à être plus respectueuses de la réglementation. Outre les contours d'un recours collectif européen qui se dessinent, la protection des données personnelles sera renforcée.
La Commission européenne (CE) fait progresser les droits des consommateurs grâce à sa « nouvelle donne des consommateurs » (« New Deal for consumers »), composée de deux directives. L’objectif est double : faire respecter la réglementation déjà en place et moderniser les directives existantes.
Vers un recours collectif européen ?
L’une des principales dispositions concerne la possibilité donnée aux consommateurs de se regrouper pour demander réparation collectivement au niveau européen. Ce type d’action existe dans certains pays membres, comme l’action de groupe en France, mais rien n’est prévu à l’échelle européenne. La CE tire notamment les conséquences de l’affaire du dieselgate : si Volkswagen a été condamné, les victimes européennes attendent toujours un dédommagement. Une association de consommateurs ou un organisme public, à but non lucratif, sera autorisé à lancer une telle action au niveau national ou européen, pour que les victimes de pratiques déloyales obtiennent réparation. Ce premier pas vers un recours collectif est positif, comme le souligne le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), qui s’interroge toutefois sur la marge de manœuvre laissée à chaque État membre pour décider des cas qui pourraient en faire l’objet.
Renforcement des sanctions
L’un des enjeux majeurs de ces nouvelles dispositions reste le respect par les entreprises des mesures en place. La Commission prévoit le renforcement des sanctions des autorités nationales de protection des consommateurs, qui pourront appliquer une amende représentant au minimum 4 % du chiffre d’affaires à verser par une entreprise en cas « d’infraction de dimension européenne ». Ce taux peut être revu à la hausse par chaque État membre de l’UE. Cette mesure vise à harmoniser les niveaux de condamnation minimaux entre les différents pays, disparates et « souvent trop faibles » à l’heure actuelle, selon la CE.
Modernisation en ligne de mire
La modernisation des droits des consommateurs portée par la Commission concerne notamment les achats en ligne. Les acteurs du Web devront faire preuve d’une « transparence accrue » : sur les places de marché (marketplace) un vendeur devra préciser s’il est professionnel ou particulier, les moteurs de recherche afficheront clairement les sites qui ont payé pour être référencés et les sites en ligne préciseront les principaux paramètres utilisés pour déterminer le classement des résultats. Des mesures issues de la loi numérique française de 2016, soutenue par l’UFC-Que Choisir, au moment de la loi Macron et Lemaire.
Alors que la protection des données personnelles est un sujet qui agite en ce moment l’actualité avec Facebook, la Commission prévoit d’aligner la réglementation concernant les services en ligne gratuits avec celle des dispositifs payants. Les services délivrés sans contrepartie monétaire mais nécessitant la transmission des données personnelles des internautes (stockage de données, boîte e-mail, médias sociaux) pourront faire l’objet d’un droit de rétractation valable 14 jours, au même titre que les services payants.
Le droit de rétractation raboté
En revanche, la possibilité pour un consommateur de se rétracter d’un achat conclu à distance ou lors d’un démarchage est restreinte. Ainsi, une entreprise pourra ne pas procéder au remboursement si le bien a été utilisé, l’appréciation de l’utilisation restant à la discrétion de ladite entreprise, et le paiement ne sera déclenché qu’à réception du produit par le vendeur. De telles dispositions ouvrent la voie à des abus possibles, qui risquent de rendre plus difficile la rétractation.
Ces propositions, avant d’être entérinées, vont être examinées par le Parlement européen et le Conseil, qui représente les gouvernements nationaux. Toute directive adoptée doit être transposée dans le droit de chaque État membre.
Karine De Crescenzo