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Droits de douane américainsQuelles conséquences pour les consommateurs français ?

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par Elsa Casalegno, Fabrice Pouliquen

Une hausse inédite des taux de taxation sur les importations, annoncée par le président des États-Unis Donald Trump, affole la planète. Les Bourses plongent et l’inflation menace les Américains, mais les effets pour les consommateurs français seraient limités à court terme. L’impact à long terme, lui, est difficile à évaluer.

En résumé

  • Les droits de douane annoncés par Donald Trump devraient avoir un impact limité à court terme sur les consommateurs français, la France important peu de biens de consommation des États-Unis.
  • À moyen terme, des difficultés économiques sont possibles en raison du ralentissement du commerce mondial. De plus, l'épargne des Français pourrait être affectée par une éventuelle chute des cours boursiers.
  • Contrairement à l'objectif affiché par les États-Unis, ce sont principalement les consommateurs américains qui devraient subir l'inflation due à ces taxes.

Le 2 avril, Donald Trump a lâché sa bombe, puis est parti jouer au golf. Afin de « reconstruire l’économie et de rétablir la sécurité économique de la Nation » pour « protéger les travailleurs américains », il a annoncé une mesure radicale : des droits de douane de 10 % minimum seront appliqués sur tous les biens importés aux États-Unis à partir du 5 avril, et des droits de douane plus élevés (jusqu’à 49 % pour le Cambodge, 46 % pour le Vietnam, 44 % pour le Sri Lanka, 54 % pour la Chine) seront imposés aux pays avec lesquels les États-Unis (USA) sont en déficit commercial, à partir du 9 avril. Les pays membres de l’Union européenne (UE), eux, écopent d’un taux à 20 %. Depuis, les gouvernements s’affolent, les Bourses plongent, et le président des USA a gagné sa compétition de golf.

Les consommateurs français vont-ils être confrontés à une nouvelle flambée inflationniste, alors que la France se remet difficilement des crises liées au Covid-19 et à la guerre en Ukraine ? Dans un premier temps, ils devraient y échapper, d’autant que les biens de consommation achetés en France proviennent principalement d’Asie. Ils pourraient même bénéficier de ce bouleversement attendu des échanges mondiaux. « Il deviendra beaucoup plus coûteux d’exporter vers les USA. Les pays exportateurs vont donc se retrouver avec beaucoup de produits qu’ils ne pourront plus vendre là-bas, en particulier la Chine, explique Charlotte Emlinger, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII). Ces marchandises seront redirigées en grande partie vers l’UE, et verront leurs prix baisser du fait d’une abondance d’offre. » Cela concernerait l’électronique grand public, le textile et de nombreux biens de consommation, dont la plupart sont fabriqués en Asie, particulièrement frappée par ces hausses de droits de douane américaine.

Soja, amandes, tondeuses à gazon, produits chimiques…

Reste une grande inconnue à ce jour : les représailles que décideront les États membres de l’UE, qui pourraient renchérir les prix des biens et services importés en provenance des USA. Le Vieux Continent importe peu de biens de consommation depuis les États-Unis, mais quelques produits pourraient subir des mesures de rétorsion : le soja, les amandes, les tondeuses à gazon, certains produits chimiques…

En revanche, pas d’inquiétude à avoir pour votre Coca-Cola, votre jeans Levi’s ou votre iPhone. Les hausses de droits de douane ne concernent que les biens matériels, pas les licences, les brevets ou les droits d’auteur. Or, « si les marques sont américaines, les produits, eux, ne sont pas fabriqués aux États-Unis. Ils ne seront pas taxés davantage, donc pas plus chers », précise Charlotte Emlinger. Les services ne sont pas non plus concernés pour le moment, ce qui exclut les Gafam (Google, Apple, Facebook ‒ devenu Meta ‒, Amazon, Microsoft et consorts), les plateformes de streaming (Netflix, Disney+, Amazon Prime Video…). L’industrie pharmaceutique et celle de l’armement sont également exemptées.

Pertes de marché pour les entreprises européennes

À moyen terme, en revanche, des difficultés économiques sont probables, du fait d’un commerce mondial ralenti et des pertes de marché pour les entreprises européennes exportant vers les USA (comme l’aéronautique, l’automobile, le luxe, l’agroalimentaire ‒ en particulier les vins, champagnes et spiritueux), avec leurs conséquences sur l’emploi et sur les rentrées fiscales. Enfin, l’épargne des Français pourrait être entamée par la chute des cours en Bourse, si elle se transformait en krach. Pour autant, cette évolution reste hypothétique : les indices remontaient déjà le 8 avril sur les principales places mondiales.

Côté américain en revanche, les difficultés sont déjà là… Les économies et les pensions de retraite des citoyens, essentiellement sous forme d’actions, ont fondu avec le plongeon de la Bourse. Quant au pouvoir d’achat, il devrait lui aussi reculer : l’inflation, mal maîtrisée depuis la crise sanitaire de 2020, devrait repartir à la hausse du fait de cette taxation supplémentaire sur les biens importés. Mais les plus grandes difficultés concerneront les États dont les recettes dépendent en grande partie de leurs exportations vers les USA, à l’instar du Vietnam et d’autres pays en développement.

Une baisse attendue des prix des carburants

Les tensions géopolitiques font le plus souvent s’envoler les prix du pétrole. Mais cette fois-ci, c’est le contraire : ces hausses des droits de douane laissent craindre un ralentissement de la croissance mondiale, et donc une baisse de la demande internationale d’or noir. En parallèle, début mars, huit pays de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) ont annoncé une relance de leur production, après l’avoir réduite dans l’espoir de faire augmenter leurs prix ‒ sans succès.

Ces deux facteurs conjugués – baisse attendue de la demande et hausse de la production ‒ font chuter les cours du pétrole. Lundi 7 mars, ils atteignaient leur niveau le plus bas depuis quatre ans. Sauf retournement de situation, cette guerre commerciale lancée par les États-Unis devrait entraîner par ricochet une baisse des prix des carburants ‒ une bonne nouvelle, donc, pour les automobilistes ! Il ne faut toutefois pas s’enflammer : ce recul ne sera pas aussi important que ne l’est l’effondrement du cours du pétrole. En effet, ce dernier n’est qu’une composante de ce prix à payer à la pompe (environ un tiers). Les taxes, elles, comptent pour moitié. Or, il n’est pas prévu qu’elles baissent…

Une mesure à côté de la plaque

Donald Trump et son équipe ont justifié ces taxes par la nécessité de combler le déficit commercial « important et persistant » dont souffrirait le pays du fait de « l’absence de réciprocité dans [ses] relations commerciales, et d’autres politiques néfastes, comme la manipulation des cours et les taxes sur la valeur ajoutée (TVA) exorbitantes perpétrées par d’autres pays ». Ils accusent également leurs partenaires commerciaux de « concurrence déloyale », et d’appliquer des « barrières non tarifaires » ‒ en ligne de mire, les mesures européennes d’interdiction du bœuf aux hormones ou du poulet chloré, ou encore les réglementations sur les produits chimiques ou les services numériques.

Or, c’est mal poser le problème, car « le déficit américain reflète davantage un excès de consommation qu’une concurrence déloyale de la part des autres pays », soulignait Antoine Bouët, directeur du CEPII, lors d’une conférence de presse le 3 avril. Au bout du compte, « ce sont les ménages américains qui paieront la majorité des hausses de prix ».

FP

Fabrice Pouliquen

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