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Doubl’ôLes Caisses d’épargne à l’amende ?

Le collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a épinglé les Caisses d’épargne pour manque d’information sur le caractère risqué de la série de fonds communs de placement Doubl’ô. Et requis une amende de plusieurs millions d’euros.

Il est encore trop tôt pour crier victoire. Mais incontestablement, en requérant devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) 1,5 million d’euros d’amende contre Natixis Asset Management (société de gestion du groupe Banque populaire Caisse d’épargne) et 4,9 millions d’euros contre quatre Caisses d’épargne régionales (Île-de-France, Provence-Alpes-Corse, Normandie et Loire-Drôme-Ardèche), le collège de l’AMF a mis du baume au cœur de ceux qui, depuis 4 ans maintenant, tentent d’obtenir réparation auprès de l’Écureuil.

Selon l’un de leurs principaux représentants, le Clab (Collectif Lagardère de défense contre les abus bancaires – en référence au personnage romanesque du Bossu, et non au groupe industriel éponyme !), ils seraient plus de 265 000 épargnants à s’être laissé bercer et berner par les annonces de gains alléchants des fonds Doubl’ô et Doubl’ô Monde. Au point de placer dans ces produits plus de 2 milliards d’euros au gré des six tranches de souscriptions ouvertes entre juillet 2001 et avril 2002 !

L’affaire, dévoilée dès l’été 2008 par Que Choisir, illustre, une fois de plus, les méfaits de certaines méthodes de vente. « Avec Doubl’ô, bonne pioche garantie ! », annonçaient les dépliants commerciaux du FCP (fonds commun de placement) promu par les Caisses d’épargne à partir de l’été 2001. « À l’époque, le réseau n’hésitait pas à pousser ses clients à troquer leur compte sur livret contre ce fonds, assurant que les chances de multiplier par deux son capital étaient de l’ordre de 85 % à 100 % », témoigne Me Daniel Richard, l’un des avocats des plaignants.

Minuscule astérisque

Fonds à capital garanti, Doubl’ô Monde assurait qu’au bout de 6 ans le souscripteur aurait droit au meilleur résultat entre le doublement de son capital ou 100 % de la performance d’un panier de 12 valeurs internationales sélectionnées. Seul problème : comme c’est souvent le cas avec ce type d’offres, un minuscule astérisque renvoyait à une précision essentielle. À savoir que cette promesse valait uniquement si, durant une période précise, aucune des actions du panier ne baissait de plus de 40 % par rapport à son cours initial. Or c’est justement ce qu’il advint ! Et au bout du compte, les épargnants n’ont pu récupérer que leur mise de départ minorée des frais, soit une perte nette de 3 % à 6 % selon les cas.

« Dès juillet 2008, j’ai déposé une plainte auprès du pôle financier du parquet de Paris. Et conjointement, j’ai adressé au président de l’AMF de l’époque, Michel Prada, une demande d’enquête sur les méthodes de vente du fonds », précise Me Richard.

Dans le même temps, différentes procédures, dont certaines relayées par l’UFC-Que Choisir, étaient enclenchées auprès de diverses juridictions avec l’appui notamment du cabinet Lecoq Vallon & Associés. La DGCCRF (la Direction générale de la concurrence, consommation et répression de fraudes) était également saisie de l’affaire. « Le rapport qu’elle a remis au parquet en juillet 2010 est accablant », précise Me Richard.

Prescription possible

La prise de position du collège de l’AMF ne l’est pas moins. Certes, rien ne permet encore d’affirmer qu’elle sera validée, car au sein de l’AMF, les avis divergent. Marie-Hélène Tric, rapporteur de la commission des sanctions de l’AMF, s’est ainsi rangée du côté des défenseurs de la banque : elle estime que la publicité était conforme aux exigences de l’époque et elle juge les faits prescrits au motif que l’enquête sur Doubl’ô a été ouverte en 2008. Soit 6 ans après la fin de la commercialisation du produit, ce qui contrevient au délai maximum de 3 ans que prévoit le code monétaire et financier, pour pouvoir saisir la commission de sanction de l’AMF. Un argument balayé par le représentant du Collège, qui considère bien difficile de juger des manquements d’un produit comme Doubl’ô avant qu’il ne soit arrivé à échéance (c’est en effet uniquement à terme que la promesse de gain se réalise… ou pas !). Il n’empêche. La balle est désormais dans le camp de la commission des sanctions de l’AMF. Elle devrait trancher dans le mois qui vient. Il reste à espérer qu’elle n’optera pas, comme elle l’a déjà fait dans une affaire similaire (celle du fonds Bénéfic vendu par la Poste), pour la prescription !

Laurence Delain-David

Laurence Delain-David

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