Anne-Sophie Stamane
Dossier médical personnelEnfin du concret
Le dossier médical personnel, on en parle depuis la dernière loi de réforme de l’assurance maladie, en 2004. Huit ans plus tard, il montre enfin le bout de son nez dans des régions pilotes. À Bourges, le centre hospitalier Jacques-Cœur ainsi que les médecins libéraux s’y mettent.
Depuis sa relance officielle en 2011, le dossier médical personnel (DMP) avance doucement, mais sûrement. Il en existe aujourd’hui 166 000. Le partage des informations médicales entre la médecine de ville et l’hôpital étant un des points sensibles, l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP Santé), mandatée par le gouvernement pour promouvoir les projets, appuie toute initiative allant dans ce sens. C’est le cas à Bourges (Cher), où une action volontariste du centre hospitalier Jacques-Cœur a trouvé un écho favorable auprès des médecins libéraux.
À l’hôpital, tout patient peut, à sa sortie ou au cours de son séjour, ouvrir un dossier médical personnel (DMP). Il lui suffit de fournir sa carte Vitale. La secrétaire spécialement formée s’en sert pour initier la procédure, avant de renseigner la date de naissance, l’adresse, l’e-mail et le numéro de téléphone portable. Elle demande au patient s’il consent à ce que son DMP soit consulté par le SAMU ou par tout médecin en cas d’urgence. En cinq minutes l’affaire est entendue et une pastille « DMP » est collée sur la carte Vitale. Le DMP peut dès lors être alimenté par les médecins de l’hôpital, sans que la présence du patient soit requise. Résultats d’examens biologiques, radiologiques, comptes rendus d’opération ou d’hospitalisation y sont stockés. La carte Vitale n’est pas nécessaire pour ces opérations. Pour autant, le patient est au courant de toutes les interventions sur son DMP, car elles sont « tracées » : les médecins qui le consultent et l’amendent doivent obligatoirement entrer leur identifiant personnel et un mot de passe, de sorte qu’on sait qui y a ajouté quoi.
Le patient a la main sur son DMP
De retour chez lui, le patient accède à son DMP via Internet, voit qui s’y est connecté, et le modifie s’il le souhaite. Il doit d’abord se rendre sur le site http://www.dmp.gouv.fr/web/dmp/, et entrer l’identifiant de connexion et le mot de passe provisoire fourni à la création du dossier. Par souci de sécurité, une fois cette étape franchie, un autre mot de passe lui est adressé instantanément par e-mail ou par SMS. La consultation et la gestion du DMP est alors autorisée. Le patient a le pouvoir de masquer des informations, et même de faire disparaître ce masquage, afin de rendre des données le concernant totalement invisibles. Cette option est utile aux personnes ne souhaitant pas, par exemple, qu’apparaisse une IVG ou une tentative de suicide. Une exception cependant : le médecin traitant a nécessairement accès à la totalité des informations. Le patient a également tout loisir de verrouiller l’accès de son DMP à tel ou tel médecin. De leur côté, les médecins peuvent aussi cacher des informations, mais seulement pour un temps donné, et dans des circonstances bien précises : par exemple quand ils intègrent des résultats d’analyse conduisant à un diagnostic de cancer. Pour éviter que le patient ne découvre seul chez lui une nouvelle aussi déstabilisante, les données sont masquées tant que la consultation d’annonce n’a pas eu lieu.
Le DMP peut également être consulté, voire créé, chez les médecins libéraux, généralistes ou spécialistes, pour peu qu’ils disposent d’une connexion Internet ou, mieux, d’un logiciel de travail « DMP compatible ». Ils doivent aussi avoir en main la carte Vitale du patient et leur propre carte de professionnel de santé. Dans le bassin d’Amboise (Indre et Loire), à une centaine de kilomètres de Bourges, les médecins généralistes ont pris le chantier en main. Non seulement ils consultent les DMP de leurs patients et reçoivent ainsi les documents hospitaliers dès qu’ils sont disponibles, mais ils se plient à l’exercice de la synthèse. Il s’agit d’une photographie actualisée de l’état de santé du patient, signalant les allergies graves et les traitements de fond, et rapportant les données biologiques essentielles en cas de diabète ou de maladie cardiovasculaire, par exemple. Les pathologies bénignes comme les angines n’y sont pas mentionnées. Le DMP est, de cette façon, toujours à jour, et en cas d’hospitalisation ou d’accident, les médecins se connectant au DMP sont tout de suite au courant.