Erwan Seznec
Dispositifs anti-ondesLa Répression des fraudes sanctionne
Argumentaire « ésotérique » basé sur des études « non reconnues officiellement », vocabulaire pseudo-scientifique « fantaisiste ou entièrement inventé »... La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) confirme ce que Que Choisir dénonçait en 2013 : les patchs, étuis ou vêtements censés protéger contre les ondes des portables « sont le plus souvent vendus sur des bases farfelues ».
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené son enquête en 2015. Elle s'est intéressée principalement aux sites Internet qui exploitent « l’anxiété des consommateurs » vis-à-vis des ondes des portables ou du Wi-Fi, pour vendre des dispositifs de protection censés être bénéfiques pour la santé. Les produits sont souvent chers. Comptez 59 € pour un étrange caleçon Belly Armor, 99 € pour un « galet anti-ondes » Abel Franklin ou 95 € pour un bandeau de protection du ventre destiné aux femmes enceintes.
La DGCCRF pointe « l’absence de reconnaissance scientifique des effets des équipements sur la santé ». Faute d'impact sanitaire avéré des ondes (même à très long terme, voir encadré), difficile de mesurer l'efficacité finale des protections. Les enquêteurs se sont bornés à vérifier les allégations des marchands sur un point intermédiaire : y a-t-il ou non réduction de l'exposition aux ondes ?
Une minorité de professionnels présentent des mesures de débit d'absorption spécifique (DAS) accrédités par des mesures en laboratoire, mais avec un paradoxe : « les tests portant sur le DAS ne rendent généralement pas compte de l’effet réel des dispositifs anti-ondes », qui peuvent dans certains cas augmenter « l'exposition aux radiofréquences au cours de l’utilisation des téléphones mobiles ». Comme le signal se dégrade, l'appareil augmente son niveau d'émission !
Quand les sites invoquent un effet mesurable des dispositifs sur un marqueur biologique quelconque, c'est sur la base d'études « non reconnues officiellement », « anciennes, et non actualisées », épicées d'un « vocabulaire fantaisiste ou entièrement inventé ». En un mot, du charlatanisme (1).
La DGCCRF a dressé trois procès-verbaux pour pratiques commerciales trompeuses, engagé une procédure d'injonction pour faire modifier la présentation d'un produit, et envoyé plusieurs avertissements à des sites. Elle a relevé par ailleurs « d’autres pratiques susceptibles de tromper les consommateurs sur leurs droits : non-respect des règles sur la vente à distance (droit de rétractation), clause abusive visant à réduire le droit à réparation du consommateur » et prévient qu'elle « continuera d’exercer sa vigilance » sur les marchands de dispositifs anti-ondes.
35 000 personnes suivies sur 30 ans, et pas de lien entre téléphone portable et tumeurs au cerveau
Un des ressorts les plus puissants de l'anxiété vis-à-vis des portables et du Wi-Fi est l'impact à long terme. Nous sommes tous exposés à leurs ondes depuis une décennie, sans effet apparent. Mais dans trente ans ? Une étude australienne publiée début mai 2016 apporte des éléments de réponse très rassurants. Elle porte sur les tumeurs au cerveau. Celles-ci sont considérées comme un indicateur clé, car c'est lors d'un appel que l'exposition aux ondes est maximale, très loin devant les antennes relais ou les box Wi-Fi.
L'équipe menée par le professeur Simon Chapman, de l'université de Sydney, a suivi 19 858 hommes et 14 222 femmes sur la période allant de 1982 à 2012, en croisant les questionnaires et les dossiers médicaux avec les données relatives à l'usage du portable en Australie, de 1987 à 2012. En 25 ans, le taux d'équipement est passé de 9 % à 90 % chez les plus de 20 ans. La fréquence des tumeurs au cerveau, quant à elle, a légèrement augmenté, mais la hausse démarre dès 1982 et elle concerne surtout les plus de 70 ans. L'introduction des portables n'a aucun effet sur la courbe des tumeurs au cerveau, qui est en fait sensible au vieillissement de la population et aux progrès du dépistage, relèvent les chercheurs. « Notre étude suit celles publiées aux États-Unis, en Angleterre, dans les pays scandinaves et en Nouvelle-Zélande, qui n'ont pas davantage validé l'hypothèse que le téléphone portable est une cause de tumeur au cerveau », conclut Simon Chapman.
(1) Il ne vient pas toujours d'entrepreneurs farfelus. Le groupe cosmétique Clarins avait lancé en 2007 Expertise 3P, un pseudo spray anti-ondes ! Il l'a retiré du marché sous le feu des critiques.