Morgan Bourven
Disponibilité des pièces détachéesDe la bonne volonté mais encore un manque d’information
Un an et demi après sa mise en place, l’affichage de la durée de disponibilité des pièces détachées n’est toujours pas entré dans les habitudes des distributeurs. Une enquête de la DGCCRF montre que les vendeurs ignorent souvent les obligations légales dans ce domaine. Pour aiguiller les consommateurs, les fabricants ont créé deux tableaux récapitulant la durée de disponibilités des pièces de certaines marques.
C’était une mesure phare de la loi consommation, qui devait tordre le cou aux rumeurs « d’obsolescence programmée » et inciter à la réparation des produits en panne. Depuis le 1er mars 2015, le consommateur doit avoir l’information, au moment de l’achat d’un produit, de la durée pendant laquelle les pièces détachées sont disponibles.
La secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire, Martine Pinville, a profité de la visite, le jeudi 8 septembre, de l’atelier de réparation de la société DOM, à Fontenay-le-Fleury (Yvelines), pour faire le point sur la mise en œuvre de cette mesure.
Elle a présenté les résultats d’une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui, entre fin 2015 et début 2016 – soit plus de neuf mois après l’entrée en vigueur de la loi –, a contrôlé 397 établissements (magasins spécialisés, grandes surfaces, sites Internet, etc.). Près d’un tiers (126 établissements) présentaient des anomalies relatives à l’information sur la disponibilité des pièces détachées.
Comme l’UFC-Que choisir l’avait relevé en février, « les vendeurs ignorent souvent les obligations légales dans ce domaine et l’information est alors manquante », écrivent les inspecteurs de la DGCCRF. « Lorsque l’information est donnée, généralement pour une partie seulement des produits, celle-ci n’est pas toujours conforme », ajoutent-ils.
Les actions de contrôle ont débouché au total, pour l’ensemble des anomalies, sur 154 avertissements réglementaires. Des mesures correctives ont aussi été prises avec 93 injonctions envoyées aux établissements visés, ainsi que des mesures répressives (6 procès-verbaux d’infraction et 16 procès-verbaux d’amendes administratives).
« Une deuxième enquête sera menée dans les mois qui viennent » pour vérifier si l’information s’améliore, a indiqué Martine Pinville. Cette enquête « était un premier pas, il a encore beaucoup à faire » pour améliorer l’information du consommateur, a-t-elle dit.
Alors que l’UFC-Que Choisir demande depuis plusieurs mois la modification du décret en élargissant l’obligation d’information à l’ensemble des fabricants, y compris ceux qui ne proposent pas de pièces détachées, la ministre a confirmé que cet « affichage négatif » n’était « pas prévu » car « le but est d’informer et de sensibiliser le consommateur » sur la disponibilité des pièces, nous a-t-elle répondu lors de ce point presse.
L’enquête de l’UFC-Que choisir menée en février montrait que 80 % des distributeurs affichant l’information sur la durée de disponibilité des pièces détachées l’ont noyée au milieu des caractéristiques du produit, ce qui diminue sa visibilité. La ministre a indiqué qu’une standardisation de l’affichage, par exemple avec un logo facilement reconnaissable, n’était « pas prévue en tant que telle » actuellement, mais que des adaptations du dispositif pourraient intervenir.
Un tableau pour mieux se repérer
Dans l’optique d’améliorer l’information aux consommateurs, le Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipement ménager (Gifam) a dévoilé jeudi deux tableaux (voir ci-dessous) présentant la durée de disponibilité des pièces détachées de la plupart des marques du groupement. « Si un consommateur ne trouvait pas l’information en magasin ou sur Internet, ces documents sont à sa disposition sur notre site », explique Alexander Lohnherr, président du Gifam.
Ne voulant pas entrer dans un « ping-pong » entre distributeurs et fabricants pour savoir si l’information existe – l’enquête de la DGCCRF montre que certains distributeurs fautifs se défaussent sur les fabricants – il a estimé qu’avec ce tableau, il n’y avait « plus d’excuse » pour ne pas afficher la durée de disponibilité en magasin.
Reste que si ce tableau permet de repérer en un clin d’œil les bons élèves en la matière (certains affichent 10 ans de disponibilité quand d’autres plafonnent à 3 ans), il n’a pas valeur contractuelle. « Ces éléments sont donnés à titre informatif et doivent être vérifiés produit par produit », est-il précisé en bas de tableau. Ainsi, si LG affiche une durée de disponibilité de 5 ans, une simple recherche sur le site Internet de Darty montre que certains produits (le micro-ondes LG MS5382NW ou le lave-linge LG F1496AD1) n’ont une durée de disponibilité que de 2 ans. « La valeur indiquée sur le tableau est celle la plus couramment pratiquée par le fabricant », indique-t-on au Gifam.
Outre les marques de distributeurs (MDD) totalement absentes, certains membres du Gifam n’apparaissent pas sur le tableau, parmi lesquels des marques connues (Haier, De’ Longhi, Kenwood, Panasonic, Babyliss, Braun, Dirt Devil, Vax, KitchenAid en PEM, Vorwerk, La Germania…). Le groupement n’a pas obligé ses membres à adhérer à la démarche, « mais nous espérons que la communication autour de ces tableaux incitera les absents à s’engager », indique Alexander Lohnherr.
Garanties légales : un flou persistant
Lors de son enquête, la DGCCRF a également contrôlé le respect de l’information précontractuelle donnée dans les magasins physiques et sur les sites de vente en ligne sur l’existence et les modalités des garanties légales et des garanties contractuelles. Le manque d’information dans ce domaine peut en effet inciter le consommateur à souscrire des extensions de garantie peu opportunes.
Des anomalies ont été constatées dans 140 établissements (35 % de l’échantillon). « L’information était soit absente, soit insuffisante. Les vendeurs des différents magasins visités ne sont généralement pas en mesure de renseigner les consommateurs, notent les enquêteurs. Le plus souvent, la seule information que reçoit le consommateur porte sur les garanties commerciales. » Des observations qui rejoignent les constats publiés par l’UFC-Que Choisir en mai dernier.
L’information sur l’extension de la durée de la présomption d’antériorité du défaut de conformité, passée le 18 mars 2016 de 6 mois à 2 ans, n’a pas été contrôlée, puisqu’elle est entrée en vigueur après l’enquête de la DGCCRF.