Audrey Vaugrente
Des précédents alarmants
Depuis plusieurs mois, un traitement du diabète est utilisé pour ses effets amaigrissants. À tel point que des influenceuses le promeuvent sur les réseaux sociaux. L’Ozempic n’est pas le premier médicament à être détourné de cette façon, et les risques ne sont pas minimes.
Ce petit stylo injectable est l’une des stars du moment sur les réseaux sociaux. Il aurait aidé des célébrités à retrouver une taille fine. Les internautes, majoritairement féminines, se filment en train de s’injecter son contenu, un médicament censé les aider à perdre des kilos jugés excessifs. D’autres montrent comment manier ce fameux stylo, ou font part de leurs conseils sur la meilleure façon de l’utiliser.
Ce traitement qui fascine autant, c’est l’Ozempic (sémaglutide), un antidiabétique détourné à des fins d’amaigrissement. La tendance n’a pas épargné la France. Les autorités sanitaires estiment que presque 2 200 patients l’utilisent alors qu’ils ne sont pas diabétiques – ce qui correspond environ à 1 % des prescriptions délivrées.
Une solution temporaire
Autorisé lorsque le diabète n’est pas contrôlé malgré d’autres traitements, le sémaglutide régule la glycémie en stimulant la sécrétion de deux hormones (insuline, glucagon) en fonction des besoins de l’organisme. Il a aussi pour effet de diminuer la prise alimentaire et l’appétence pour les aliments gras.
Ce qu’on ne voit pas, sur les réseaux sociaux, c’est que l’Ozempic comporte des effets indésirables, comme tout médicament. Certains d’entre eux sont graves. Ainsi, la déshydratation liée aux troubles gastro-intestinaux est susceptible d’affecter la fonction rénale. Des cas de pancréatites aigus surviennent également au cours du traitement.
L’optimisme affiché par les influenceuses masque un élément crucial : le sémaglutide n’est pas une baguette magique. Sans modifications durables des habitudes alimentaires et de l’activité physique, l’arrêt du traitement se soldera toujours par une reprise du poids perdu. C’est pourquoi il est essentiel d’être suivi par un professionnel de santé qualifié.
De nombreux précédents
Ça n’est malheureusement pas la première fois qu’un médicament est largement prescrit en dehors de son indication d’origine. Les résultats sont rarement positifs. L’exemple le plus tristement célèbre est celui du Mediator (benfluorex), lui aussi indiqué dans le traitement du diabète. Sa prescription excessive a causé entre 1 500 et 2 000 décès. Ce précédent n’a manifestement pas servi de leçon puisque des alertes ont régulièrement été émises depuis concernant, entre autres, un médicament antiépileptique (topiramate/Epitomax), un traitement de l’hypothyroïdie (lévothyroxine/Levothyrox) et un antidépresseur (fluoxétine/Prozac).
Cette recherche incessante du médicament qui fera maigrir témoigne d’un problème de fond vis-à-vis du surpoids et de la façon de le gérer. Une enquête réalisée en 2007 montrait que la France est le 2e pays le plus exposé à cette volonté de perdre du poids, après la Corée du Sud. À l’époque, une Française sur cinq s’estimait en surpoids alors que son IMC était normal. Parmi elles, 30 % essayaient de maigrir.
Risque de rupture pour les patients diabétiques
Depuis sa mise sur le marché, le sémaglutide (Ozempic, Wegovy) fait l’objet d’une forte demande mondiale. À tel point que son fabricant ne fait plus la promotion de Wegovy, sa formulation autorisée dans la perte de poids, depuis fin 2021. L’impact de cette mesure est marginal. Depuis septembre 2022, l’approvisionnement en Ozempic est difficile, et les associations de patients diabétiques ont exprimé leur inquiétude.
Wegovy propose un dosage de 0,25 mg, qui correspond au plus faible dosage de l’Ozempic. C’est ce dernier qui est soumis à des tensions d’approvisionnement. En France, des mesures ont été prises pour éviter une rupture de stock. Sa distribution est contingentée jusqu’au mois d’avril 2023. Cela signifie qu’il n’est plus possible d’initier un traitement en dehors de l’hôpital.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rappelle également que le dosage de 0,25 mg est uniquement destiné à démarrer le traitement. Au bout de 4 semaines, il est nécessaire de passer à un dosage de 0,5 mg – qui n’est pas soumis à des tensions d’approvisionnement. Preuve, s’il en fallait encore, que ce médicament est bel et bien détourné à des fins d’amaigrissement.
Mise à jour du 4 septembre 2023
De potentiels effets indésirables psychiatriques
La liste des effets indésirables du sémaglutide (Ozempic, Wegovy) et du liraglutide (Saxenda) va-t-elle s’allonger ? C’est ce qu’est en train d’évaluer l’Agence européenne du médicament (EMA). Les autorités sanitaires islandaises ont identifié des conduites ou pensées suicidaires et auto-agressives chez des personnes traitées par ces médicaments. 150 cas sont en cours d’examen, d’après l’EMA. Le Royaume-Uni a lancé une procédure similaire. Aux États-Unis, des avertissements figurent uniquement sur les notices des versions autorisées en traitement de l’obésité – Wegovy et Saxenda.