Anne-Sophie Stamane
Dépassements d’honorairesTout ça pour ça !
Les dépassements d’honoraires sont pour beaucoup dans les difficultés d’accès aux soins en France. Les discussions entre syndicats de médecins et assurance maladie ont abouti à des mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Syndicats de médecins et assurance maladie ont trouvé un accord sur les dépassements d’honoraires. Pour les patients, la donne ne changera hélas que très peu. Décryptage des mesures envisagées.
Dépassements « excessifs » : engagement a minima
Avant le début de la négociation, le ministère de la Santé avait martelé sa volonté de punir les dépassements excessifs pratiqués par une minorité de médecins. Ce qui supposait de définir un tarif à partir duquel une sanction pouvait tomber. De ce point de vue, le texte signé lundi est loin des ambitions affichées. Le préambule mentionne certes un taux de 150 % du tarif de l’assurance maladie – c’est-à-dire 70 € pour une consultation chez un spécialiste – au-delà duquel un médecin pourrait être mis en cause. Mais il n’est qu’un « point de repère », à mettre en balance avec d’autres critères, comme la zone d’exercice, la fréquence des actes avec dépassements ou encore la notoriété du médecin. Sur tous ces points, aucune valeur de référence n’est évoquée, d’où une marge d’appréciation considérable pour trouver des circonstances atténuantes à bon nombre des médecins visés.
Au final, ce taux de 150 % a toutes les chances ne pas freiner les appétits des médecins les plus gourmands. Pire, il pourrait être interprété, par l’ensemble des médecins à honoraires libres, comme une incitation à pousser leurs tarifs jusqu’à ce niveau de dépassement.
Seule mesure concrète : les médecins pratiquant des dépassements d’honoraires seront tenus d’appliquer les tarifs de l’assurance maladie non plus seulement aux bénéficiaires de la couverture mutuelle universelle (CMU), mais aussi à ceux qui, un peu plus à l’aise mais à peine, ont droit à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire (ACS).
Dépassements courants : un contrat d’accès aux soins sans grand intérêt
Les médecins à honoraires libres auront dès 2013 la possibilité de signer un contrat d’accès aux soins, par lequel ils s’engagent à développer leur activité au tarif Sécu et à limiter leurs dépassements à 100 % du tarif Sécu (soit 56 € pour une consultation chez un spécialiste). Le contrat mentionnera un taux d’activité sans dépassements à atteindre. En échange de cet engagement, l’assurance maladie prendra à son compte une partie des charges sociales des médecins, et remboursera un peu mieux les patients. De leur côté, les organismes complémentaires sont invités à rembourser de façon prioritaire les frais déboursés chez les médecins signataires.
Revalorisation pour des suivis particuliers
L’assurance maladie promet de revaloriser des actes techniques notoirement sous-payés. Pour les actes cliniques, c’est-à-dire les consultations, il y aura des bonus liés à la situation du patient. Par exemple, une consultation de sortie d’hôpital sera facturée, à partir du 1er juillet 2013, le double d’une consultation normale. À chaque consultation d’un patient de plus de 85 ans, les médecins ne pratiquant pas de dépassements ou signataires du contrat d’accès aux soins se verront verser 5 € en plus. Ce forfait sera étendu aux patients de plus de 80 ans en 2014.
Par ailleurs, chaque médecin recevra 5 € par an et par patient qu’il suit comme médecin traitant.
Et les patients ?
Les assurés sociaux vont-ils réellement payer moins de dépassements d’honoraires ? Tout dépendra de l’adhésion des médecins au contrat d’accès aux soins, mais pour le moment, aucun vrai changement ne se profile. Et même si les médecins adhèrent au dispositif, seule une fraction de patients verrait les tarifs baisser, et difficile de savoir à l’avance pour qui la facture sera moindre.
Pour réduire les difficultés d’accès aux soins, l’UFC-Que Choisir maintient ses demandes :
– renégociation de la rémunération des actes médicaux associant l’ensemble des acteurs intéressés (au premier chef les usagers) ;
– mise en place dans le cadre du PLFSS d’un conventionnement sélectif des médecins et réduction des aides publiques dans les zones surmédicalisées. Mais aussi et surtout une vraie lutte contre les dépassements d’honoraires qui doivent à terme être supprimés et dans cette attente, être plafonnés à 40 % (soit la prise en charge médiane par les complémentaires santé).