Florence Humbert
Dépassements d’honorairesQuand les dentistes abusent
L’assurance maladie pointe les dépassements d’honoraires illégaux pour des soins dentaires de base comme les détartrages. Si les syndicats professionnels rejettent la responsabilité de ces dérives sur un système à bout de souffle, ce sont les patients qui en paient les conséquences.
Peut-être ce genre de mésaventure vous est-elle arrivée : vous vous rendez chez votre chirurgien-dentiste pour un simple détartrage, croyant avoir à débourser 28,92 €, le tarif de base fixé par l’assurance maladie. Or, ô surprise, le praticien vous réclame un supplément d’honoraires pour « surfaçage radiculaire », un acte hors nomenclature de la Sécu, dont le montant peut, dans certains cas, dépasser plusieurs dizaines d’euros ! Eh bien, sachez que cette pratique qui flirte avec la légalité, est en principe interdite, car le barème fixé par l’assurance maladie pour les soins conservateurs (détartrage, traitement des caries, dévitalisation, extraction) ne doit faire l’objet d’aucun dépassement, sauf en cas de soins d’urgence ou de situation exceptionnelle. Et dans ces derniers cas, le dentiste a l’obligation d’informer son patient au préalable.
Selon les derniers chiffres de l’assurance maladie, dévoilés par Le Figaro dans son édition du 6 novembre dernier, les entorses à la réglementation ne concerneraient toutefois qu’une minorité de praticiens. Mais certains départements sont plus touchés que d’autres par ces dérives. L’Île-de-France est la région la plus concernée. Ainsi à Paris, près d’un professionnel sur deux facture un dépassement de 27 € en moyenne. Et ce sur 13 % de ses détartrages. Dans les Hauts-de-Seine, 28 % d’entre eux appliquent un dépassement de 14 €. Mais ce sont les Alpes de Haute-Provence qui remportent la palme, certains praticiens n’hésitant pas à facturer un dépassement de 85 €, soit près de trois fois le montant du tarif de la Sécu !
Si les syndicats professionnels ne nient pas la réalité de la situation, pour eux, ces dérives sont révélatrices d’un « système à bout de souffle ». En effet, un détartrage sérieux représente une intervention d’au moins trente minutes de la part du praticien. C’est aussi l’occasion de faire un bilan complet de la santé buccale du patient. « Certains dentistes sont obligés d’enfreindre les règles tarifaires, parce que, sinon, ils ne s’en sortiraient plus financièrement », déclare Catherine Mojaïsky, présidente du premier syndicat de dentistes (CNSD) interrogée par Le Figaro. Et de rappeler que les tarifs de certains soins courants n’ont pas été revalorisés depuis… 27 ans ! Or depuis, la révolution technologique a bouleversé les méthodes de travail des praticiens et surtout, le coût des plateaux techniques a explosé. La stratégie du ministère de la Santé et de l’assurance maladie, tarifs bloqués pour les soins conservateurs et tarifs libres pour les prothèses (couronnes, bridge, inlay-core…) montre ses limites et encourage l’inflation des honoraires sur les actes non plafonnés. Durant les six premiers mois de 2015, les honoraires libres ont d’ailleurs augmenté de 2,4 % pour un montant de 2,9 milliards d’euros. Alors que, dans le même temps, les soins facturés au tarif Sécu reculaient de 0,7 %.
Si l’on veut que ces dérives soient maîtrisées, une remise à plat des grilles tarifaires s’impose. Faute de quoi, le système de soins à deux vitesses qui se profile de plus en plus, va encore s’accentuer. Sans parler de la délocalisation des soins vers des pays ou les tarifs sont largement inférieurs à ceux pratiqués en France. Il y a donc urgence, car d’ores et déjà, les soins dentaires sont les premiers auxquels les Français déclarent renoncer en raison de leur coût.