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DépakineVictoire emblématique pour une famille de victimes

Le laboratoire Sanofi devra indemniser la famille de Marine Martin, lanceuse d’alerte dans le dossier Dépakine (valproate de sodium), un antiépileptique qui, pris pendant la grossesse, entraîne malformations et troubles neurodéveloppementaux.

Lundi dernier, le tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision qui pourrait sembler aller de soi : il a condamné les laboratoires pharmaceutiques Sanofi à indemniser à hauteur de près de 285 000 € la famille Martin pour les effets secondaires graves que le valproate de sodium (Dépakine, Dépamide, Dépakote, etc.), pris par la mère pendant ses deux grossesses en prévention de crises d’épilepsie, a eu sur ses enfants, Salomé et Nathan. Tous deux sont nés, en 1999 et 2001, avec des malformations et ont développé des troubles neurodéveloppementaux.

Pourtant, outre qu’elle concerne Marine Martin, la lanceuse d’alerte et présidente de l’association de défense des victimes (Apesac), la décision inaugure sans doute une nouvelle ère pour les familles confrontées aux dégâts du valproate de sodium. Car, comparé à d’autres déjà jugés favorablement, le dossier de la famille Martin présentait une difficulté a priori insurmontable : l’action en justice avait été initiée en 2012, or selon la réglementation sur la défectuosité des produits qui s’applique aux médicaments, la responsabilité du fabricant était éteinte depuis 2008 pour Salomé, et 2011 pour Nathan, la prescription intervenant 10 ans après la délivrance des produits ayant agi in utero. « Mais en 2008, souligne Me Charles Joseph-Oudin, l’avocat de la famille Martin, Marine Martin ne savait même pas qu’il y avait un problème avec son traitement ! » Nombre de victimes du valproate sont, pour cette raison, découragées d’aller devant les tribunaux, car les enfants touchés sont trop âgés.

La notion de faute reconnue

Seule exception prévue par la loi pour casser les délais de prescription et prolonger la possibilité d’agir en justice : la faute du fabricant. Si elle est démontrée, alors sa responsabilité peut être engagée, et l’indemnisation décidée. Des victimes du Mediator ont réussi à faire reconnaître fin 2023 par la Cour de cassation la légitimité de ce levier. Leur victoire a montré la voie aux victimes d’autres médicaments. Logiquement invoquée par Marine Martin, la faute de Sanofi a été reconnue par le juge. Sans aucune ambiguïté : « En maintenant en circulation un produit en sachant qu’il était défectueux, en l’absence d’information directe des patientes quant aux risques encourus et recensés dans la littérature, et en l’absence d’études plus vastes et systématiques sur les effets du produit, le laboratoire a commis une faute », dit-il dans sa décision. En clair, Sanofi avait connaissance d’effets indésirables mais n’a ni informé les femmes sous traitement, ni investigué activement comme c’était son devoir face aux suspicions de troubles neurodéveloppementaux qui surgissent dès le milieu des années 1980. Se contenter de saisir l’autorité du médicament, pour demander, trop tard, un simple changement dans le libellé de la notice patient, n’était pas suffisant.

Me Charles Joseph-Oudin met ce nouveau jugement favorable en perspective : « Avec toutes les décisions déjà rendues au civil, la mise en examen de Sanofi dans la procédure pénale, enfin la recevabilité de l’action de groupe, nous disposons désormais d’un ensemble qui va dans le même sens. » Marine Martin espère, elle, que les familles qui, jusque-là, se pensaient sans aucun recours face à Sanofi, saisiront l’opportunité d’agir en justice.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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