Anne-Sophie Stamane
DépakineSanofi de nouveau condamné
Le tribunal de Nanterre a condamné le laboratoire Sanofi, fabricant du valproate de sodium (Dépakine, entre autres), à indemniser une enfant née handicapée à cause du médicament. Sa mère était sous traitement pendant la grossesse.
Nouvelle victoire pour les victimes du valproate de sodium (Dépakine…), cette molécule donnée aux épileptiques qui provoque fréquemment, chez les enfants exposés in utero, des malformations et des troubles autistiques : le tribunal de Nanterre a rendu une décision favorable à une famille, dont la fille, née en 2005, a déclaré des troubles de l’apprentissage et du comportement dès les premières années de sa vie. Les juges ont retenu le caractère défectueux du produit, et accordé à la jeune fille une indemnisation de 341 753 €. Ses parents et son frère ont également obtenu une compensation.
Le dossier n’est pas clos pour autant. D’une part, parce que Sanofi le fabricant du médicament, qui rejette systématiquement toute responsabilité aussi bien à l’amiable que devant les tribunaux, a annoncé son intention de faire appel. D’autre part, parce que l’évaluation du préjudice est fondée sur une expertise datant d’octobre 2016 : la situation de l'enfant, et notamment l’impact de son handicap sur sa scolarité, est considérée comme temporaire. Une nouvelle expertise sera nécessaire à sa majorité, l’année prochaine, et entraînera une révision de son préjudice.
« C’est une décision importante, souligne Charles Joseph-Oudin, avocat de la famille. Le tribunal a écarté l’exonération de responsabilité pour risque de développement mise en avant par Sanofi. En clair, à la date de consommation du produit, le fabricant ne pouvait pas ignorer, contrairement à ce qu’il prétend, les alertes sur la santé neurocognitive de l’enfant à naître et aurait dû en informer les patientes. » Le refus de l’autorité de régulation du médicament (l’Afssaps à l’époque) de modifier la notice à la demande du laboratoire n’est pas non plus de nature à le dédouaner de son obligation d’information, a estimé le juge. D’autant que les documents apportés en appui et la proposition de changement dans la formulation du risque n’étaient pas suffisants au regard de l’enjeu pour la santé de l’enfant à naître.
D'autres procès à venir
Moins satisfaisant pour les victimes, le tribunal a appliqué un taux de perte de chance de seulement 70 %, estimant que même informée, la mère n’aurait peut-être pas renoncé au traitement par valproate de sodium. Le tribunal qui a récemment jugé recevable l’action de groupe a placé le curseur bien au-dessus, à 95 %. Conséquence, le montant de l’indemnisation s’en trouve fortement réduit.
Le cas de cette famille n’est pas le seul à avoir, enfin, été examiné par la justice, 8 ans après le début de la procédure. Trois autres dossiers ont fait l’objet d’une audience au tribunal de Nanterre la semaine dernière, et cinq dossiers supplémentaires sont prévus pour début juillet, avec des décisions attendues à la fin de l’été. Si la molécule en cause est la même, chaque histoire présente des enjeux judiciaires différents, selon la date de naissance de l’enfant. Ainsi, pour un individu venu au monde à la fin des années 1980, les délais de prescription sont plus favorables car la loi en vigueur n’était pas la même qu’aujourd’hui. Mais la responsabilité de Sanofi est plus difficile à établir, car le risque était peu ou pas connu. À l’inverse, un dossier portant sur un enfant né au début des années 2000 connaît moins d’obstacles concernant la responsabilité du fabricant, la difficulté venant des délais de prescription ramenés à 10 ans depuis la transposition de la directive européenne sur la défectuosité des produits.