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Démarchage téléphoniqueLa technique des vendeurs décryptée

L’UFC-Que Choisir dévoile une conversation téléphonique entre un télévendeur agissant pour le compte d’un opérateur et un de ses prospects, une personne âgée de la région parisienne. Ce document sonore inédit montre comment, grâce à un discours rôdé, un vendeur parvient à faire souscrire un contrat par téléphone en quelques minutes sans enfreindre la loi.

Louis a 84 ans. Il vit seul et à l’époque des faits, il était majeur protégé (il est aujourd’hui sous tutelle). Le 14 août dernier, en pleine période estivale, le vieil homme est contacté par téléphone par un commercial de la société One Two Tel, spécialisée dans la téléphonie fixe. Après un premier appel lui présentant l’offre, il reçoit un second coup de fil destiné à lui faire souscrire le contrat en ligne. Fait rare, le fils de Louis, qui est également son tuteur, a réussi à récupérer l’enregistrement de la conversation réalisé par l’opérateur. Ce document lève le voile sur les méthodes de certains démarcheurs et montre comment il est possible, en l’espace de quelques minutes, de faire conclure un contrat de téléphonie à une personne qui n’en a pas besoin, en profitant de son âge avancé et de sa méconnaissance du sujet. La méthode repose sur 7 points principaux :

1 - Abreuver le client d’informations

C’est le premier élément qui saute aux oreilles quand on écoute cette conversation. Coordonnées de la société, données techniques, conditions générales de vente, tarifs des communications… en à peine plus de 6 minutes, tout y passe. N’importe qui se noierait dans ce flot de paroles. S’il insiste sur certains aspects positifs, le téléconseiller passe en revanche très vite sur des points moins reluisants, comme les coûts de connexion de 55 centimes par appel (à 2 min 16) ou les frais d’activation de 29,90 € (à 2 min 40). Le moment le plus étonnant intervient au bout de 3 min 51, lorsque le téléconseiller indique à Louis que « la lecture des conditions générales du service » qu’il s’apprête à lancer dure « à peu près 30 minutes », mais qu’il peut à tout moment « l’arrêter en tapant 1 sur le clavier du téléphone ». Ce qu’il va faire, bien entendu.

2 - Parler sans jamais s’arrêter

Tout au long de la conversation, le téléconseiller ne cessera de couper la parole à Louis à chaque fois qu’il tentera de s’exprimer. Monopoliser la parole a deux avantages : limiter la durée de l’appel et éviter les questions dérangeantes. Cette technique prend tout son sens lorsque le téléconseiller, juste après avoir détaillé l’offre, demande à Louis de choisir son mode de paiement plutôt que de lui laisser le temps de revenir sur un aspect qu’il n’aurait pas compris (3 min 13).

3 - Employer des termes compliqués

Connexion Internet, présélection, rétractation, coûts de connexion… autant de termes difficiles à appréhender pour le commun des mortels, et encore plus pour des personnes âgées, mais dont les démarcheurs usent et abusent.

4 - Se montrer rassurant

Glisser des expressions telles que « Ne vous inquiétez pas » (0 min 43), « Vous pourrez accéder au récapitulatif de l’offre à votre guise » (4 min 34) ou « C’est la dernière étape » (4 min 49) permet de rassurer les clients un peu inquiets.

5 - Ne pas s’assurer que les informations fournies sont exactes

L’offre de One Two Tel s’appuie sur la présélection, une technique qui permet de faire passer ses appels fixes par un autre opérateur qu’Orange. Pour en bénéficier, il faut que le client dispose d’une ligne téléphonique classique. Le fait que Louis confirme qu’il n’ait ni Internet ni ordinateur (1 min 10) ne signifie pas pour autant, comme le déduit le téléconseiller, que sa ligne est éligible. De fait, Louis dispose chez lui d’une Livebox qui lui permet de bénéficier d’un service de téléassistance en cas de chute ou de malaise. Or, une telle installation rend techniquement impossible toute mise en place de la présélection sur la ligne.

6 - Obtenir une confirmation immédiate

Pas question pour le téléopérateur de laisser le temps au client de réfléchir à l’offre qui vient de lui être présentée. Louis est invité à confirmer sa souscription sans attendre en tapant *101 sur le clavier de son téléphone (4 min 50), ce qu’il finit par faire avec difficulté. Ce « consentement par voie électronique » vaut accord (lire encadré « Des règles à respecter »).

7 - Ne pas s’appesantir sur le droit de rétractation

En cas de démarchage par téléphone, le client dispose de 14 jours pour se rétracter, ce que le téléconseiller notifie à Louis (2 min 46). Le fils de Louis ayant pu retourner le bordereau de rétractation in extremis à son retour de vacances, le contrat a été annulé. Une plainte a néanmoins été déposée pour abus de faiblesse sur personne âgée placée sous tutelle à l’encontre de la société One Two Tel (lire notre fiche sur le démarchage et l’abus de faiblesse).

One Two Tel dans la lignée d’autres opérateurs

Si One Two Tel est une société récente (elle a été créée en février 2015), son offre et ses méthodes ne sont pas sans rappeler celles d’autres opérateurs qui sont actuellement poursuivis pour des démarchages téléphoniques abusifs auprès de personnes âgées. Et pour cause, One Two Tel est dirigée par un certain Mathieu Liétard, qui est également le patron de France Communication, l’une des sociétés mises en cause par le parquet de Bordeaux (elle gère notamment les marques A télécom, B télécom et E télécom). Visiblement, cette procédure ne l’a pas poussé à raccrocher.

Démarchage par téléphone : des règles à respecter

Si la conclusion de contrats par téléphone est autorisée par la loi, un cadre strict est fixé. Le professionnel est notamment tenu de préciser, au cours de l’entretien, son identité et la nature commerciale de l’appel (art. L. 121-34-2 du code de la consommation). Il doit en outre communiquer les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix, la durée du contrat ainsi que l’existence d’un droit de rétractation (art. L. 121-19-1). En outre, en cas de démarchage (lorsque le professionnel est à l’initiative de l’appel), le professionnel doit adresser au client une confirmation écrite de l’offre reprenant un certain nombre d’informations telles que l’identité et les coordonnées du professionnel, le détail de l’offre, les tarifs, l’existence d’un droit de rétractation, la juridiction compétente en cas de conflit, etc. Le client n’est engagé qu’après avoir signé et renvoyé l’offre ou donné son consentement par voie électronique.

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