Erwan Seznec
Défiscalisation DuflotDans le brouillard
Le dispositif Duflot de défiscalisation immobilière, qui remplace le Scellier depuis le début de l’année, impose des loyers inférieurs de 20 % au prix du marché. Problème, les observatoires chargés d’évaluer « ces prix du marché » n’existent pas encore.
Dès août 2012, des officines de défiscalisation avaient déposé les noms de domaine « loi-duflot.fr » et autres « loiduflot.com ». L’adoption d’un nouveau dispositif appelé à prendre le relais du Scellier était pour elles une certitude. Elles n’ont pas été déçues et devraient commercialiser très rapidement en « Duflot » des programmes initialement conçus pour être des « Scellier » (ce dernier bénéficiant d’un sursis pour les ventes signées avant le 31 mars 2013).
Le Duflot accorde à l’acheteur une réduction d’impôt équivalente à 18 % du prix de vente, avec un plafond de 300 000 €, soit 54 000 €, ce qui fait en théorie 6 000 € d’économies d’impôts chaque année pendant neuf ans. Durant cette période, en contrepartie, le bien doit être loué à un prix inférieur de 20 % aux prix du marché libre. Problème, personne aujourd’hui n’a de données exhaustives sur ces prix libres. Pour être fidèles à la réalité, les estimations devraient être faites rue par rue, voire appartement par appartement, une exposition nord sur rocade ne valant pas une exposition sud sur jardin, toutes choses égales par ailleurs.
Cécile Duflot, ministre de l'Égalité des territoires et du Logement, a annoncé cet été la création d’observatoires des loyers dans 17 sites pilotes pour affiner les évaluations. En fonction des résultats, ces observatoires seraient généralisés en septembre 2013. En attendant, difficile de savoir ce que vont inscrire dans leur simulation de rendement les commerciaux qui seront bientôt à pied d’œuvre pour vendre du Duflot. Par hypothèse, ils ignorent ce que les propriétaires pourront demander !
Et ce n’est pas tout. Le but des observatoires est, à terme, d’encadrer les hausses de loyers présumées abusives dans une quarantaine d’agglomérations françaises. À cet égard, les deux mesures Duflot, défiscalisation et plafonnement des hausses de loyer à la relocation, se heurtent fâcheusement. D’une part, il faut louer pendant neuf ans à 20 % en dessous des prix du marché. Impossible pour le propriétaire de gagner de l’argent dans ces conditions, tout tient au bonus fiscal. Mais que va-t-il se passer au bout des neuf ans, quand la défiscalisation s’arrêtera ? Cécile Duflot a répondu dans les Échos du 3 janvier 2013 : « les mêmes modalités s’appliqueront pour les biens acquis avec l’aide fiscale » et pour les biens ordinaires. Autrement dit, les propriétaires ne seront pas forcément libres de ramener leurs loyers au prix du marché. La loi a certes le temps de changer plusieurs fois d’ici 2022. Dans l’immédiat, il convient d’accorder aux promesses de valorisation et de rendement des vendeurs de Duflot le crédit qu’elles méritent pour le moment : zéro.
Duflot, des plafonds de loyer arbitraires
Le décret 2012-1532 a fixé les plafonds de loyer hors charges du Duflot par m2 et par mois. Ils sont de 16,52 € pour la zone A bis (Paris et les communes proches) ; 12,27 € pour la zone A (une grande partie de la région parisienne, la Côte d’Azur et les environs français de Genève) ; 9,88 € en zone B1 (plusieurs centaines de communes) et 8,59 € en zone B2 (encore quelques centaines de communes, éligibles à titre transitoire jusqu’au 30 juin 2013).
Ces plafonds, tout comme ceux du Scellier, sont censés être 20 % en dessous des prix du marché. En réalité, ils seraient plutôt au niveau des prix constatés dans les agences. Par exemple, ils situent le loyer hors charges d’un 40 m2 à Aubervilliers (Saint-Denis, A bis) à 660 €, ou un T2 de 45 m2 à Persan (Val-d’Oise, B1) à 445 €. En conséquence, il serait très imprudent de croire que les logements en Duflot se loueront très facilement parce qu’ils seront forcément moins chers que la moyenne.