Marie Pellefigue
DéconfinementVos questions, nos réponses
Avec le déconfinement progressif, de nombreuses questions se posent pour les particuliers, concernant leur famille (succession, pension alimentaire…) ou plus largement leur vie quotidienne (emploi à domicile, commande en ligne…). Voici nos réponses à certaines de vos interrogations.
Le confinement a pris fin, est-ce que je peux demander à ma femme de ménage de revenir chez moi et dans quelles conditions ?
Depuis le 11 mai, date de la première phase de déconfinement, vous avez la possibilité de recontacter votre femme de ménage pour organiser avec elle la reprise. En premier lieu, discutez ensemble pour savoir si elle peut reprendre son activité professionnelle chez vous. Les personnes vulnérables (pathologie chronique respiratoire sévère, diabète...) qui risquent de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 peuvent être mises en activité partielle depuis le 1er mai au lieu de bénéficier d’un arrêt maladie.
Si votre salariée peut retravailler, vous devez respecter les gestes barrières indispensables. « Pratiquez-les pour tous et tout le temps, à l’intérieur comme à l’extérieur de votre domicile et incitez votre salarié à faire de même pour veiller à la sécurité de tous », rappelle la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem). Portez un masque en sa présence pour éviter tout risque de contamination, vous avez aussi intérêt à lui en fournir un si elle n’en a pas. Vous pouvez vous en procurer dans les pharmacies ou les grandes surfaces. Prévoyez aussi du savon et du gel hydroalcoolique à l’entrée de votre logement, et demandez à votre femme de ménage, ainsi qu’à toute personne qui entre dans votre domicile (livreur, artisan, réparateur…) de s’en servir. Avant son intervention, « aérez le logement et, dans la mesure du possible, ne restez pas dans la même pièce que votre salarié pendant qu’il y travaille », recommande encore la Fepem.
À noter. Pendant les heures de pointe (entre 6 h 30 et 9 h 30 et entre 16 h et 19 h), les transports en commun franciliens sont toujours réservés aux personnes munies d’une attestation de leur employeur (cela reste obligatoire au moins jusqu'au 22 juin prochain). Vous devez donc remplir cette dernière (téléchargeable sur www.prefectures-regions.gouv.fr) puis la remettre à votre salariée.
J’ai passé des commandes pendant le confinement, un colis n’est jamais arrivé à cause des soucis de La Poste, quels sont mes recours ?
Malgré le déconfinement et les efforts de La Poste, certains colis sont toujours en attente dans les centres de tri. Si votre commande provient d’un pays lointain, elle est peut-être en transit, les services de fret ayant été ralentis pendant deux mois, ou bloquée dans un port ou aux douanes.
Le premier bon réflexe est donc de contacter le commerçant pour l’informer que vous n’avez toujours pas reçu votre commande et lui demander de vous communiquer toutes les informations utiles pour sa recherche (date de l’envoi, mode de transport, numéro de colis ou de suivi…).
Ensuite, si vous avez acheté par Internet, vous restez protégé par le code de la consommation en cas de non-réception du colis. À condition d’avoir passé commande chez un professionnel, car le droit de la consommation ne s’applique pas aux achats entre particuliers.
Mais avant d’engager un recours légal pour faire valoir vos droits, tentez de négocier avec le commerçant. Dans cette période compliquée, beaucoup acceptent de faire des gestes commerciaux (remboursement, avoir, renvoi de votre commande…) si vous vous manifestez.
Mes revenus ont fortement baissé, puis-je bénéficier de l’aide aux familles modestes proposée par le gouvernement ?
Une aide d'urgence exceptionnelle a été mise en place pour les foyers les plus démunis afin qu'ils puissent faire face aux difficultés financières liées à la crise sanitaire. Son montant s'élève à 150 €, auxquels s'ajoutent 100 € par enfant à charge âgé de moins de 20 ans. Elle est versée en une seule fois, à partir du 15 mai, à un peu plus de 4 millions de foyers.
Pour être éligible, vous devez avoir perçu, en avril ou en mai 2020, le RSA (revenu de solidarité active), l'ASS (allocation de solidarité spécifique), le RSO (revenu de solidarité) ou encore l'AER (allocation équivalent retraite).
Si vous êtes bénéficiaire des APL (aides personnelles au logement), vous avez, dans ce cas, droit à un coup de pouce de 100 € pour chaque enfant à charge. Par exemple, si vous vivez en couple avec deux enfants, vous toucherez au total 200 €.
Cette aide ponctuelle de solidarité vous est versée automatiquement, il n'y a donc aucune démarche à faire. Votre CAF (caisse d'allocation familiale) doit néanmoins vous envoyer un courrier ou un e-mail pour vous en informer. Si vous pensez être éligible, vérifiez si vous avez bien reçu ce coup de pouce. Dans le cas contraire, assurez-vous que vos coordonnées bancaires sont bien enregistrées ou à jour sur le site de la CAF, espace « Mon Compte », rubrique « Consulter ou modifier mon profil ».
Mon ex-conjoint ne verse plus la pension alimentaire pour nos deux enfants depuis le début du confinement, quels sont mes recours ?
Pendant le confinement, plusieurs associations de familles ou de parents isolés ont alerté sur des cas de non-versement de la pension alimentaire. Si votre ex-conjoint a des difficultés financières et ne peut plus la payer en raison de la crise sanitaire, il doit impérativement effectuer certaines démarches. Il peut contacter votre avocat pour conclure un accord à l'amiable. « S'il n’est pas en capacité de verser la totalité de la pension, il peut, par exemple, envisager de garder l’enfant un peu plus que ce qui est prévu habituellement », suggère Me Sophia Binet, avocate au barreau de Paris.
Autre possibilité : il peut signaler et expliquer sa situation à la CAF (caisse d'allocation familiale) ou à la MSA (Mutualité sociale agricole) qui peut alors confier votre dossier à l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). Cet organisme est chargé d'évaluer s'il y a lieu de vous verser l'allocation de soutien familial qui peut atteindre 115 € par mois et par enfant.
Bon à savoir. Par ailleurs, le nouveau service visant à réduire les impayés des pensions alimentaires ne verra finalement pas le jour le 1er juin 2020 comme cela était prévu initialement. Sa mise en place est reportée au 1er janvier 2021, en raison de la crise sanitaire. Grâce à lui, dès l’année prochaine, sur décision du juge aux affaires familiales, ou si un impayé est constaté, la CAF pourra intervenir en tant que tiers payant. À condition d’être informée de la situation, elle versera immédiatement la pension alimentaire au parent bénéficiaire, puis se chargera de récupérer le montant sur le compte du parent débiteur.
Divorcé, je suis en garde partagée pour notre enfant. Je veux le remettre à l’école, mais mon ex-conjointe s’y oppose, comment trancher ?
Depuis le déconfinement, les établissements scolaires rouvrent progressivement leurs portes. Mais remettre ses enfants à l'école peut être un sujet de discorde pour de nombreux parents, certains estimant que la reprise est indispensable et d’autres, au contraire, que le retour en classe est prématuré, compte tenu des risques éventuels de propagation du virus.
Le retour à l'école physique étant facultatif et conditionné aux possibilités d’accueil des établissements, vous avez le choix de décider si vous laissez ou non votre enfant retourner physiquement dans sa classe. Cette décision relève de l’autorité parentale qui est partagée entre chacun des parents, que vous soyez encore unis ou séparés. « Un parent a le droit de s'opposer à ce que son enfant revienne à l'école. Mais dans ce cas, il doit manifester son refus, de préférence par écrit, auprès de son ex-conjoint et de l’établissement scolaire. Il doit aussi proposer autant que possible une solution de garde alternative », estime Me Sophia Binet, avocate au barreau de Paris.
Avant de vous lancer dans une guerre larvée, tentez au préalable de privilégier le dialogue pour prendre cette décision, en tenant compte des arguments de chacun et en vous rappelant que c'est avant tout l'intérêt de l’enfant qui prime. Si vous ne parvenez pas à vous entendre sur ce point, vous pouvez faire appel à un avocat ou à un médiateur familial pour tenter de régler ce conflit à l'amiable et de façon plus rapide. « Saisir le juge aux affaires familiales, par exemple en urgence si votre enfant a des problèmes de santé, reste encore compliqué même si les tribunaux reprennent progressivement leur activité », avertit Me Sophia Binet.
J’habite à Lille et la succession de mon père se règle à Nice où habite mon frère. Nous sommes les deux seuls héritiers. Pour éviter de me déplacer, puis-je lui signer une procuration authentique pour qu’il me représente ?
La loi considère certains actes, qu’elle appelle solennels, comme suffisamment importants pour imposer une signature devant notaire. Ce dernier est chargé de conseiller les signataires et de leur apporter les informations nécessaires sur leur engagement. Parmi les actes nécessitant une procuration authentique se trouvent, notamment, les prises d’hypothèques sur un bien immobilier, les donations ou les ventes sur plan.
Pour le règlement d’une succession, vous n’avez pas besoin d’une procuration authentique (qui nécessite de se rendre dans une étude de notaire pour recevoir le conseil de ce professionnel avant de signer la procuration devant lui). Ainsi, pour être représenté par votre frère, une procuration sous seing privé peut suffire. Vous pouvez demander au notaire chargé de signer l’acte de succession de vous envoyer un modèle type, recopier ce texte formel et lui envoyer. Avant la crise sanitaire, vous deviez, en plus, vous rendre en mairie afin de faire certifier votre identité pour que cette procuration soit valide. Mais avec le confinement, d’autres techniques ont été expérimentées et généralisées avec succès dans de nombreuses études. « Nous passons par la signature électronique avancée, qui permet à une personne de recevoir chez elle un lien Internet. Ensuite, un code est envoyé pour signer de façon dématérialisée un acte sur une plateforme sécurisée, le tout avec une double authentification qui permet de certifier l’identité », précise Me Grégoire Mitry, notaire à Nantes. Selon l’équipement du notaire niçois chargé de la succession, vous pourrez donc utiliser la signature électronique ou bien vous contenter d’une procuration classique avec certification en mairie.
J’ai donné un gros coup de pouce financier à mon fils pendant le confinement, je m’inquiète que mes deux filles le prennent mal. Comment faire pour rétablir l’équilibre ?
Premier bon réflexe : parlez-en en famille en réunissant tous vos enfants. Expliquez votre geste, en le justifiant si vous le souhaitez, et ne taisez pas les montants donnés. Cela évitera que vos deux filles ne découvrent votre donation au moment de votre succession, ce qui pourrait aboutir à des querelles interminables entre enfants.
D’un point de vue juridique, vous pouvez donner en toute légalité davantage à votre fils qu’à vos filles. Pour cela, il suffit de lui transmettre votre quotité disponible, c’est-à-dire la part d’héritage dont vous pouvez disposer librement. Comme vous avez trois enfants, elle correspond à un quart de votre patrimoine, les trois quarts restants étant légalement à partager entre eux. Pour faire profiter votre fils d’une part élargie, vous devez rédiger un testament en indiquant clairement vos souhaits (au besoin, faites-le relire par votre notaire). Le jour de votre succession, l’inventaire de vos biens sera réalisé, puis le notaire calculera la part de chacun des trois enfants et proposera le partage en tenant compte de vos dernières volontés.
Si vous souhaitez, au contraire, que tous vos enfants récupèrent la même chose, vous pouvez laisser votre donation en l’état, en n’oubliant pas de la déclarer. C’est à votre fils de faire les démarches en indiquant à son centre des impôts qu’il a bénéficié d’une donation de votre part. Si elle reste inférieure à 100 000 €, il ne paiera aucun droit dessus.
Bon à savoir. Une donation simple est « rapportable » le jour de la succession. Votre notaire l’intègrera donc comme une avance sur héritage (que vous auriez faite à votre fils) et elle sera déduite de sa part. Attention, elle sera alors revalorisée au jour de la succession. Si votre fils a dépensé tous les fonds, cela n’aura pas d’incidence. Si en revanche il les a investis, la somme que vous lui avez donnée sera réévaluée. Si, entre votre donation et votre décès, son investissement (dans son entreprise, l’achat d’un logement…) a pris énormément de valeur, il devra partager ses plus-values avec ses deux sœurs. Dans ce cas, pour éviter des querelles de réévaluation le jour de votre succession, préférez une donation-partage. Signée devant un notaire, elle permet de figer la valeur des biens le jour de la donation et de limiter les conflits.
Mon chien âgé est malade et je crains d’aller dans la salle d’attente de mon vétérinaire, puis-je faire de la téléconsultation ?
Depuis le déconfinement, les cabinets de vétérinaires accueillent à nouveau du public (auparavant ils ne géraient que les urgences) mais, pour une large majorité, seulement sur rendez-vous afin de limiter l’afflux en salle d’attente.
Si néanmoins vous craignez de vous rendre chez votre vétérinaire, vous avez plusieurs solutions. Vous pouvez l’appeler pour lui décrire les symptômes de votre chien et attendre son diagnostic. Si vous êtes précis et qu’il connaît votre animal, cela peut être efficace. Vous pouvez aussi passer par une plateforme médicale dédiée aux animaux pour glaner des conseils précieux (Animoscope, Soigner-son-animal, Wamiz, Woopets…). Animoscope propose, moyennant quelques dizaines d’euros, une consultation par téléphone ou vidéo avec un vétérinaire. Pour aller plus loin, vers une véritable télémédecine (et non une simple téléconsultation), un décret paru le 6 mai dernier permet désormais aux vétérinaires de réaliser des consultations à distance et de recourir à des expertises via des outils numériques. Car jusqu’à présent, la médecine vétérinaire ne disposait d’aucun cadre réglementaire autorisant cette pratique.
La téléconsultation peut être réalisée par le professionnel qui connaît votre chien, à condition que vous soyez équipés tous les deux (smartphone ou ordinateur portable avec caméra). « Ce type de consultation est très adapté au suivi d’un animal, après une chirurgie par exemple », confie le Dr Guillaume Ragetly, vétérinaire et cofondateur d’Animoscope. Dernier point : en cas d’urgence, dans les grandes villes, des services SOS-vétérinaires dépêchent un professionnel à votre domicile. Si vous faites appel à eux, vous n’attendrez pas en salle d’attente, mais devrez respecter des gestes de distanciation avec le vétérinaire dans votre logement. Néanmoins, ce type de consultation vous coûtera parfois plusieurs centaines d’euros si des soins importants et des médicaments sont nécessaires.
Pauline Janicot