Arnaud de Blauwe
Décodeur TNT SagemcomPromesses de remboursement non tenues
Les consommateurs qui avaient acheté un décodeur TNT-HD Sagemcom pouvaient se faire rembourser 15 €. Mais l’opération d’ODR (offre de remboursement) a tourné au fiasco.
Pour inciter les consommateurs à acheter leurs produits, les marques sortent l’arme de l’ODR, l’offre de remboursement. Tout ou partie du prix est restitué au client, en cash ou sous forme de bons d’achat, à condition de respecter certaines conditions (envoi du code-barres et/ou du ticket de caisse, respect du délai de validité de l’offre...).
Mais l’opération peut tourner au fiasco. L’ODR organisée par la société X-Gem autour de décodeurs TNT-HD fabriqués sous licence de marque Sagemcom (référence DT84) en est une illustration… assez unique. Du 1er juillet 2015 au 15 mai 2016, le consommateur qui s’équipait pouvait se faire rembourser 15 € sur le prix d’achat qui variait de 30 à 39,90 € selon les magasins. La gestion de l’opération (réception des dossiers, virement bancaire dans les « 8 semaines après réception de la demande »…) était confiée à Custompromo, société spécialisée dans l’animation commerciale. L’opération a été un vrai succès.
Les plaintes affluent
À tel point que, très vite, Custompromo n’a plus pu payer, le budget alloué par X-Gem étant trop juste. Des centaines de plaintes de participants à l’offre sont envoyées un peu partout : organisateur de l’ODR et ses partenaires, DDPP (directions départementales de la protection des populations), UFC-Que Choisir ou encore notre forum.
Comment en est-on arrivé là ? X-Gem, distributeur de produits électroniques (décodeurs, téléphones-fax ou filaires…) dont le siège est à Biarritz (64), connaissait des difficultés financières. Et ce qui devait arriver arriva : le 4 novembre dernier, le tribunal de commerce de Bordeaux (33) a placé la société en redressement judiciaire. Elle poursuit son activité, sous la surveillance d’administrateurs judiciaires. Et comme le veut la loi, un mandataire judiciaire est également désigné : c’est auprès de lui que les consommateurs non payés doivent se manifester. « En tant que mandataire, la loi m’oblige à informer personnellement tous les créanciers pour leur signifier notamment que leur demande a bien été enregistrée, indique Maître Jean-Pierre Abbadie, en charge de ce dossier. Cette ODR est hors normes : nous avons une liste impressionnante de créanciers – 117 500 – qui revendiquent chacun une somme modeste – 15 € ! Tous les prévenir par courrier a forcément un coût pour l’entreprise X-Gem déjà fragile. Nous avons pu récupérer 40 000 adresses mails. Il reste donc 77 500 lettres à envoyer. Un accord a été négocié à un prix intéressant avec Custompromo pour qu’ils s’en chargent ».
Et que les consommateurs ne perdent pas tout à fait espoir ! La mise en liquidation judiciaire de X-Gem ne semble pas à l’ordre du jour. Un plan d’apurement du passif et de redressement est en cours d’élaboration. « S’il est adopté dans les mois à venir par le tribunal, la loi oblige la société qui poursuit son activité à rembourser sans délai les créances inférieures à 500 €, poursuit Me Abadie. Dans ce cas, tous les dossiers de l’ODR devront être soldés, soit un coût de 1,5 million d’euros environ pour X-Gem ! » On en est pas encore là…
Pas de caractère intentionnel
Pour autant, ne pourrait-on pas reprocher à cette société d’avoir cherché à tromper le consommateur ? Ne savait-elle pas, dès le départ, que les engagements ne pourraient pas être tenus ? Si tel était le cas, des poursuites pour publicité de nature à induire en erreur pourrait être envisagées, avec, à la clé, une éventuelle lourde amende. La DDDP 64 a enquêté. « Nous n’avons pas pu relever de caractère intentionnel, il n’y a par conséquent pas d’infraction : nous sommes simplement face à une entreprise en difficulté financière, répond l’une de ses représentantes. Pour nous, l’affaire est close. Nous renvoyons les plaignants vers le mandataire. »
Autre question, les décodeurs portant la marque Sagemcom, cette dernière ne pouvait-elle pas prendre le relais de X-Gem défaillant, comme Carrefour l’avait fait dans une situation comparable (voir encadré) ? Après tout, pendant les premières semaines de l’opération, X-Gem et Sagemcom étaient encore juridiquement liés – même adresse de siège social à Rueil-Malmaison (92). « Ces ratés nuisent à notre image de marque. Nous avons mis en demeure à plusieurs reprises X-Gem de respecter ses obligations, sans résultat. C’est tout ce que nous pouvions faire », assure Sylvaine Couleur, de Sagemcom. Pas sûr que cette position convainque tout le monde.