Camille Gruhier
Cyclescore et France véloUtiles, ces deux nouveaux labels ?
La filière veut replacer la France et l’environnement au cœur de la fabrication de vélos. Pour encourager les professionnels et informer les consommateurs, elle lance le Cyclescore, basé sur des critères environnementaux et sociétaux, et l’indice France vélo, qui distinguera la fabrication française. Deux labels intéressants, qui devront toutefois trouver leur place sans créer de confusion dans l’esprit des consommateurs.
Les professionnels du vélo veulent accélérer la réindustrialisation de la France. Sur 2,2 millions de vélos vendus en France en 2023, moins de 650 000 y ont été assemblés et seuls 10 000 à 20 000 cadres y ont été fabriqués (la quasi-totalité des cadres proviennent aujourd’hui de Taïwan et, dans une moindre mesure, du Vietnam et de Chine). Objectif de la filière ? Assembler 2 millions de cycles et fabriquer 300 000 cadres de vélo par an en France d’ici à 2030. Ambitieux.
Cyclescore, pour l’impact environnemental et sociétal
La mise en place de nouveaux labels, qui apparaîtront à l’automne, vise à encourager les fabricants et à mieux informer les consommateurs. Le premier, Cyclescore, s’inspire du Nutri-Score ou du Planet-Score. Il couvre à parts égales un volet environnemental (matériaux utilisés, procédés de peinture mis en œuvre, réduction des distances entre les composants, les sites d’assemblage, les lieux de vente, ou encore durée de vie des produits) et un volet sociétal (égalité homme-femme du site de production, inclusion handicap et insertion, émissions de gaz à effet de serre, etc.). Les critères d’attribution sont exigeants. Ainsi, un fabricant qui ne s’engage pas sur la disponibilité des pièces détachées pendant au moins 7 ans (5 ans pour un vélo électrique) est exclu du dispositif. Autre exemple, un cadre peint avec une peinture solvantée sera pénalisé, l’option la plus favorable consistant à utiliser une peinture en poudre recyclée. Au total, une quinzaine de critères entrent en jeu.
L’indice France Vélo, pour les vélos les plus français possible
Le second label cible la fabrication française des cycles. Cinq étapes clés sont prises en compte : la conception, l’assemblage, la peinture et la part de composants produits en France comprenant deux paliers, à 15 % ou 40 % de la valeur totale des composants. Conception et assemblage sont indispensables pour prétendre à l’attribution du label. Autrement dit, les équipes de recherche et développement sont obligatoirement basées en France, la chaîne de montage de 100 % des unités d’un même modèle aussi.
Deux labels sinon rien
Les consommateurs avaient-ils vraiment besoin de deux labels supplémentaires ? Il en existe déjà tant, dans différents domaines, qu’on a du mal à s’y repérer. Mais aucun dans le monde du vélo. « Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’écologie et veulent consommer local, y compris quand il s’agit de choisir un vélo », assure Florence Gall, déléguée générale de la Filière France vélo, à l’origine du projet. Mais pourquoi deux labels, et pas un seul ? « L’Ademe [Agence de la transition écologique, ndlr], partie prenante des discussions, ne souhaitait pas soutenir un label qui aborde des critères liés à la fabrication française car la question du made in France sort de ses prérogatives, détaille Florence Gall. Nous avons donc créé avec elle le Cyclescore d’un côté, et l’indice France Vélo de l’autre, car la filière y tenait. »
Complémentaires ou contradictoires ?
Il existe pourtant plusieurs dispositifs encadrant les appellations relatives à l’origine française des produits. À côté des textes réglementaires complexes (Code des douanes de l’Union européenne) qui encadrent le « made in France », des initiatives privées, regroupant des professionnels, voient le jour. Ainsi est né le label Origine France Garantie, bien installé aujourd’hui, et que quelques fabricants de vélo ont déjà adopté. C’est le cas de l’isérois CMT ou encore d’Ultima Mobility, basé dans la métropole de Lyon. Ils décrocheraient de fait un indice France Vélo de 5/5. Et pourraient donc afficher les deux labels, Origine France Garantie et indice France Vélo, quitte à créer de la confusion dans l’esprit des consommateurs.
Une confusion qui sera entretenue par les grands écarts de note entre les deux labels. Les cadres de CMT et d’Ultima Mobility sont constitués de titane, un matériau léger, robuste, résistant à la corrosion et réparable. Or, le titane obtient la pire note selon la grille d’évaluation du Cyclescore, qui privilégie l’acier et l’aluminium, neufs ou recyclés. « Difficile d’espérer mieux qu’un C », regrette Brice Épailly, fondateur de Caminade, fabricant occitan de vélo sur mesure en titane. Ces vélos sont pourtant fabriqués localement, affichent une faible empreinte carbone (ils ne voyagent pas, sont fabriqués avec des composants français) et sont garantis à vie. Fabriqués en France, mais mauvais pour l’environnement…