Erwan Seznec
Crédits d’impôt énergies renouvelablesLa Cour des comptes appelle à clarifier les règles
Modification incessante des barèmes, critères d’éligibilité trop complexes, délais variables... Dans le rapport qui vient d’être rendu public, les magistrats de la Cour des comptes notent une explosion des contentieux avec l’administration fiscale. En cause : des changements de règles trop fréquents, notamment en matière de fiscalité verte.
Les règles fiscales sont devenues « de plus en plus instables et complexes », les citoyens vivent dans « l’insécurité juridique », les articles sont « excessivement longs et les modifications successives leur ont fait perdre leur cohérence ». Ce jugement au vitriol n’émane pas d’une association de contribuables en colère mais de la Cour des comptes. Dans son rapport du 22 février sur « les relations de l’administration fiscale avec les particuliers et les entreprises », elle dénonce une réglementation surabondante et en constante évolution. « Chaque année, environ 20 % des articles du code sont remaniés. Quant aux instructions fiscales, elles représentent 40 000 pages ». Les magistrats attribuent à cette insécurité juridique une grande part du contentieux fiscal et notamment la hausse préoccupante des réclamations pour crédits d’impôt aux titres des économies d’énergie ou des énergies renouvelables (+ 16 % en 2010). Un problème déjà soulevé par Que Choisir.
Récapitulatif des changements intervenus ces trois dernières années. Jusque fin 2008, tous les travaux ou presque ouvraient droit à une réduction de 50 %. 1er janvier 2009 : les chaudières bois et les pompes à chaleur passent à 40 %, puis à 25 % à partir de 2010. L’aide pour les chaudières basse température disparaît. Les chaudières à condensation restent à 25 %. Un éco-prêt à taux zéro est créé. 1er janvier 2010 : l’éco-prêt est revu à la baisse. Les chaudières bois donnent droit à 25 % de déduction (sauf s’il s’agit d’un remplacement de chaudière bois, qui donne droit à 40 % !). Les déductions pour pose de double vitrage changent (15 % au lieu de 25 %). Mais attention : il faut les faire dans les deux ans suivant l’achat. Sauf s’il s’agit d’un logement antérieur à 1977, car ils sont exclus du dispositif ! Les 40 % de déduction pour pose de pompe à chaleur sont élargis aux travaux de terrassement, mais des ambiguïtés apparaissent sur la définition fiscale de « pompe à chaleur »... Octobre 2010 : affolé par l’explosion du nombre de dossiers en photovoltaïque, le gouvernement sabre les aides : 25 % au lieu de 50 %, avec entrée en vigueur immédiate ! Précision, les panneaux solaires thermiques ne sont pas concernés. 2012, énième salve de changements : le crédit d’impôt double vitrage ou volets isolants tombe à zéro, la chaudière à condensation à 10 % et l’isolation des murs à 15 %... sauf en cas de bouquet de travaux ! Si vous réalisez deux travaux, vous avez une majoration de huit points. Du moins pour cette année. Mais que prévoir pour l’an prochain ?
La Cour lance un appel d’urgence : retour à « la simplicité des règles, des procédures et des documents, et leur stabilité », et plus de « sécurité juridique » pour les particuliers. Sera-t-elle entendue ? Les agents de l’administration fiscale eux-mêmes le souhaitent. Selon le rapport, ils sont nombreux à juger que le code général des impôts est devenu « inintelligible »…