Erwan Seznec
Cour des comptesDes milliards d’économies possibles
Lors de la présentation de son rapport annuel, la Cour des comptes a pointé 45 thèmes où gaspillages, abus et autres dérives creusent les caisses de l’État. Zoom sur 7 sujets particulièrement éloquents du mauvais usage de l’argent public.
SNCF : 1 milliard en 5 ans pour la communication
Les budgets consacrés par la SNCF à vanter ses mérites sont présentés par la Cour des comptes quasiment sans commentaires, les chiffres étant suffisamment accablants. Entre 2007 et 2011, l’entreprise a dépensé plus d’un milliard d’euros en communication interne et externe. Le budget annuel moyen est de 153 millions d’euros, plus 55 millions de masse salariale, soit un total de 210 millions. Pour donner un ordre de grandeur, ces sommes auraient suffi à rénover l’intégralité du réseau des RER franciliens, dont l’état a depuis longtemps dépassé la cote d’alerte... La Cour relève que sur ce milliard d’euros quinquennal, pas un centime n’a été consacré à l’étude des réclamations des voyageurs, qui « ne font l’objet d’aucun suivi par la direction de la communication ». Celle-ci s’intéresse à l’amélioration de l’image de l’entreprise, mais pas à ce qui la dégrade.
Organisé en septembre 2011 à Tanger, le séminaire annuel des managers a coûté 1 430 € par jour et par personne, dont un dîner à 314 € par couvert, « hors achat de 650 tablettes numériques offertes aux participants ». La Cour relève, pour combler la mesure, que le choix des sous-traitants se fait dans une certaine opacité. Un autre séminaire sera-t-il organisé pour remonter le moral des cadres, ébranlés par ces critiques mesquines ?
Alzheimer : évaluer l’efficacité des traitements
Après 2001-2003 et 2004-2007, la France boucle son troisième plan Alzheimer (2008-2012) sur un bilan très mitigé. L’impact des deux premiers plans est impossible à évaluer, « faute de chiffrage prévisionnel et de bilan précis ». Le chiffrage du 3e plan (1,6 milliard d’euros sur 5 ans) est « approximatif », le « suivi fin des dépenses réellement décaissées n’a pas été possible » et « le suivi médical à domicile est encore en voie de structuration ». La Cour appelle à une « évaluation médico-économique rigoureuse » de l’apport de 4 médicaments, que la Haute Autorité de santé a réévalués à la baisse, et dont les remboursements ont coûté 380 millions d’euros à l’assurance maladie en 2012.
Médecin traitant : le patient oublié
« La mise en place du médecin traitant s’est avant tout traduite pour l’assuré par un parcours tarifaire d’une considérable complexité ayant pour principal objet de limiter la charge des remboursements pour l’assurance maladie », écrit la Cour. « Les préoccupations de celle-ci et des syndicats de médecins libéraux, auxquels a été déléguée la mise en œuvre opérationnelle du dispositif, ont largement pris le pas sur son contenu médical ». Ceci, « joint aux retards du dossier médical personnel, a contribué à vider de tout contenu médical la notion de parcours de soins coordonnés ». Difficile de faire plus clair…
TGV Est : une gare en trop
Il fallait le faire ? Les élus lorrains l’ont fait. Résultat d’arbitrages savants, visant à ne froisser aucune susceptibilité et à ménager des intérêts locaux contradictoires, la gare Lorraine TGV a été implantée entre Nancy et Metz, à Cheminot-Louvigny, sans aucune interconnexion avec la ligne de TER Nancy-Metz. Comme prévu depuis le début, elle fait un bide. Il est donc question de construire une autre gare à Vandières, à 20 km, pour 156 millions d’euros.
Distribution d’électricité : rationaliser avant d’augmenter les tarifs
Les réseaux locaux appartiennent aux collectivités, qui en confient la gestion à un opérateur unique, ERDF, mais il y a « incertitude » sur le maintien à terme du monopole légal d’ERDF. Dans ce contexte, les investissements d’entretien, supportés par ERDF et les collectivités, prennent du retard, et les temps de coupure s’allongent. 50 minutes par an en 2000, 85 minutes en 2010. La Cour appelle à « une meilleure régulation des investissements » et à une « rationalisation des dépenses avant d’augmenter les tarifs ». Cela suppose qu’ERDF maîtrise ses charges, notamment de personnel, et que, par ailleurs, EDF ne pompe pas indûment les dividendes d’ERDF…
EDF : les rémunérations dérapent
L’exemple vient d’en haut. Le salaire du PDG d’EDF a été multiplié par 2,35 entre 2005 et 2010. Les salaires, en moyenne, progressent à un rythme de 3 % par an, alors qu’ils sont déjà plus élevés à l’embauche que dans le reste du secteur. Le « tarif agent » (abonnement gratuit, consommation à prix préférentiel) représente un manque à gagner de 222 millions d’euros par an, plus les indemnités logement (263 millions), plus l’intéressement, les actions gratuites, les avantages famille, etc., avec des conséquences évidentes sur le tarif supporté par l’usager.
Surendettement : des progrès trop timides
La Cour des comptes revient sur les suites de ses précédents rapports. En 2010, elle avait critiqué le dispositif de prévention légal du surendettement. Une loi protectrice est intervenue la même année (la loi Lagarde), mais les progrès concrets restent insuffisants, relèvent les magistrats, qui réitèrent leur appel à un découplage des « cartes confuses » de fidélité et de crédit et à un meilleur « accompagnement des personnes surendettées ». Ils demandent également l’ouverture d’une étude d’impact objective sur le coût et l’efficacité du fichier positif pour lutter contre le surendettement.
Rapport disponible en intégralité sur www.ccomptes.fr