Fabienne Maleysson
Cosmétiques Joëlle CioccoDe multiples infractions entraînent le retrait de tous les produits
Les autorités sanitaires retirent de la vente toutes les références de la marque de cosmétiques de luxe Joëlle Ciocco. Certains produits contenaient des corticoïdes et la réglementation encadrant les cosmétiques était largement ignorée.
Elle était surnommée « la magicienne de la peau » ou « le gourou beauté des stars », mais l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ne s’est pas laissée impressionner par cette réputation. Elle vient d’annoncer la suspension de la fabrication et de la mise sur le marché des produits cosmétiques de la marque Joëlle Ciocco. Certains étaient commercialisés en magasin, par exemple au Bon marché à Paris, d’autres étaient préparés dans l’institut de beauté de la marque à destination de telle ou telle cliente.
L’inspection menée par l’agence a en effet mis au jour de nombreuses entorses à la réglementation. La plus grave ? Certains produits contenaient de la bétaméthasone, un corticoïde (lire l’encadré). Doublement illicite. D’abord parce que cet ingrédient est interdit dans les produits cosmétiques, ensuite parce qu’il répond à la définition du médicament. Or un médicament doit, pour pouvoir être commercialisé, avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché, et sa vente au détail est réservée aux pharmaciens.
Ingrédient allergène et reprotoxique
Mais les pratiques illégales ne s’arrêtent pas là. Plusieurs obligations destinées à permettre aux autorités d’exercer leur mission de vigilance pour assurer la protection des consommateurs avaient été négligées. Réglementairement, tout établissement qui fabrique ou conditionne des produits cosmétiques doit être déclaré auprès de l’ANSM. Cela n’avait pas été fait. Avant la mise sur le marché d’un tel produit, la personne responsable doit informer la Commission européenne de ses caractéristiques. Pas fait non plus. On ne s’étonnera pas que la déclaration d’utilisation de nanomatériaux ait aussi été omise. En outre, chaque nouvelle référence doit faire l’objet d’une évaluation de sa sécurité dont les résultats sont conservés dans un dossier. Les contrôleurs ont cherché en vain les rapports garantissant l’innocuité de celles commercialisées par Joëlle Ciocco. Dont certaines contenaient un ingrédient interdit car allergène et reprotoxique, et un autre (le cyclopentasiloxane qui compte parmi les ingrédients que nous considérons comme problématiques) en quantités supérieures à celles autorisées. Enfin, aucune procédure (formation du personnel, formulaires dédiés) n’avait été mise en place pour assurer la cosmétovigilance, au cas où des consommatrices se seraient plaintes d’effets indésirables.
Il est rare que l’on constate une telle accumulation de pratiques illégales et susceptibles de nuire aux consommateurs. Suffiront-elles à calmer les ardeurs des fans de la marque ? Pas sûr, cet engouement étant, comme souvent lorsqu’on parle de cosmétiques, largement irrationnel et en grande partie suscité par une communication habilement menée. « Ni esthéticienne, ni dermatologue, elle est "épidermologue", un métier qu’elle a elle-même labellisé », écrit sans sourciller la journaliste d’un magazine féminin au sujet de Joëlle Ciocco. On n’est jamais si bien servi que par soi-même… Rien de tel, pour crédibiliser ce nom de profession inventé que de faire payer ses prestations au prix fort. Une tactique bien connue, notamment dans le monde du luxe, pour conférer une aura de qualité à des produits ou services. Si les cosmétiques vendus en magasin affichaient des tarifs astronomiques, c’est aussi le cas des soins dispensés dans l’institut de beauté (1). Exemple le « grand soin », deux heures de « traitement de remise à zéro qui vise à rétablir les fonctions motrices et logiques de votre membrane peau » était, encore il y a peu, facturé 695 € s’il était pratiqué par un employé et 1 350 € si « la papesse des belles peaux » elle-même officiait. Il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints. Sauf si on surveille son budget.
Cette affaire est l’occasion de rappeler que les prix élevés ne sont pas synonymes de qualité supérieure, en particulier dans le secteur des cosmétiques. Nous l’avons constaté par exemple lors de nos derniers tests de crèmes solaires, de déodorants, de colorations végétales, ou encore de shampooings. D’ailleurs, invitée par le magazine Vanity Fair à recommander des produits abordables vendus par les grandes marques de cosmétiques, Joëlle Ciocco elle-même affirmait : « Il faut se sortir de la tête que la beauté coûte cher. » Cocasse !
Questions-réponses de l’ANSM à destination des consommatrices
J’ai acheté un produit de cette marque, que dois-je faire ?
Si vous avez acheté des produits de la marque Joëlle Ciocco Paris, nous vous demandons de ne plus les utiliser.
Certaines préparations contiennent de la bétaméthasone, qu’est-ce que c’est ?
La bétaméthasone est un corticoïde qui a des propriétés anti-inflammatoires. Elle peut être prescrite pour traiter certaines pathologies dermatologiques, telles que l’eczéma. La bétaméthasone ne doit pas être appliquée sur le visage sauf en cas de prescription formelle par un médecin car elle peut entraîner des effets indésirables, qui sont particulièrement à redouter en cas d’utilisation prolongée, tels qu’un risque d'amincissement et de fragilité de la peau, une poussée d'acné, une dépigmentation…
J’ai utilisé un produit de cette marque, y a-t-il des risques ?
En cas de survenue d’un effet indésirable après l’utilisation d’un des produits Joëlle Ciocco Paris, nous vous invitons à consulter votre médecin et à effectuer une déclaration sur le portail de signalement des événements sanitaires indésirables.
(1) S’il ne propose plus de rendez-vous pour l’instant, il n’a pas fermé pour autant et compte apparemment reprendre ses activités.