Arnaud de Blauwe
Contrefaçons (infographie)Et vous, victime ou complice ?
Que Choisir a interrogé les Français sur leur rapport à la contrefaçon. Quand ils achètent du faux, est-ce volontaire ou non ? Nos réponses éclairantes.
Denrées alimentaires, parfums, téléphones portables, lunettes de soleil, pièces détachées automobiles, interrupteurs… tout se copie, aucun secteur n’échappe à la contrefaçon ! C’est le constat que dresse, depuis maintenant plusieurs années, fabricants et pouvoirs publics qui combattent l’industrie du faux. L’an dernier, les douaniers ont saisi 9,1 millions de produits contrefaisants, soit une augmentation de 62 % par rapport à 2020. Des interceptions réalisées dans les centres de tri postaux des aéroports, mais aussi au bord des routes ou dans des marchés.
La grande majorité de ces imitations provient toujours de certains pays d’Asie, au premier rang desquels la Chine. Il y a toutefois des spécificités. L’Inde, par exemple, est l’un des plus gros producteurs de faux médicaments. Et, même si ces États se mobilisent davantage pour lutter contre cette activité illégale – qui, à l’échelle européenne, fait perdre 60 milliards d’euros aux entreprises touchées par ce fléau –, les contrefacteurs ont encore de beaux jours devant eux.
Et vous, à titre individuel, comment vous situez-vous face à ce phénomène ? Pour le savoir, Que Choisir a interrogé un échantillon représentatif de Français. Ont-ils acheté des copies sciemment ? Ou ont-ils été abusé en croyant commander en ligne un article authentique ? Car une fois sur deux, on atterrit sur le marché du faux via des sites internet, obscurs ou non, ou des marketplaces (qui regroupent des vendeurs hébergés sur les plateformes de grands noms de l’e-commerce). Cependant, les sites d’échange ou d’achat entre particuliers ne sont pas épargnés : 26 % de nos concitoyens ont été exposés à la contrefaçon. Cèdent-ils pour autant à la tentation ? Selon notre -enquête, 6 % admettent avoir franchi le pas de manière volontaire, et une même proportion de sondés assurent ne pas l’avoir fait intentionnellement, et avoir été dupés par le vendeur. Ceux qui ont acquis une imitation sont plutôt des hommes âgés de 18 à 39 ans. En moyenne, les participants à notre questionnaire affirment avoir acquis, en toute connaissance de cause ou non, 3 produits contrefaits au cours des 24 derniers mois.
Gros plan sur l’habillement
Au palmarès des saisies de contrefaçons effectuées par les services douaniers, les soins cosmétiques occupent la première place (1,7 million), juste devant les jeux et les jouets (1,6 million). Toutefois, notre étude porte uniquement sur l’habillement, particulièrement les marques de sport ou de streetwear, car d’après nos résultats, c’est le secteur qui est le plus affecté avec 38 % des transactions. Suivent ceux de la chaussure (26 %), des articles de sport (22 %), de la maroquinerie (9 %) et de la bijouterie (6 %). Côté prix, les imitations coûtent, en moyenne, près de 70 % à 80 % moins cher que les articles originaux. Plus surprenant : plus d’un acheteur sur trois déclare que le vêtement contrefait est conforme à l’original. Néanmoins, 60 % des consommateurs qui ne pensaient pas avoir acheté une copie l’ont découvert en inspectant les finitions ou les coutures qui laissaient fortement à désirer.
Des trous dans les mailles du filet
Les douaniers savent qu’un nombre considérable de marchandises contrefaites passent à travers les mailles de leur filet. Les résultats de notre sondage le confirment : seuls 12 % des acheteurs volontaires de contrefaçons se sont vu confisquer leurs produits. Et méfiance avec certains sites qui prétendent vendre des articles de marque à des tarifs très bas. Ces plateformes ne sont en réalité que des coquilles vides. Alléché, vous passez commande et sortez votre carte bancaire. Vous serez débité mais ne serez jamais livré. Cette mésaventure est arrivée à 19 % des répondants à notre enquête.
Au fait, quand les Français achètent de la contrefaçon volontairement, ont-ils mauvaise conscience ? Non, visiblement, car 76 % estiment qu’ils ont fait une bonne affaire, et 60 % jugent que cela ne cause pas réellement de préjudices aux sociétés concernées. Pour près d’un sur deux, il s’agit même d’un acte rebelle donnant l’occasion de leur jouer un mauvais tour.
Rappelons pourtant que la contrefaçon expose son acheteur à la confiscation de l’article et à des sanctions pénales (lire l’encadré ci-dessous). Elle est également susceptible de mettre en danger la sécurité ou la santé du consommateur. Reproduction de jouets, de médicaments, de cigarettes, d’appareils électriques… autant de produits qui présentent de vrais risques, car ils sont loin de tous respecter les normes. Les gains tirés de ce marché illégal permettraient, en outre, de financer diverses activités criminelles ; les services de renseignement révélant même qu’elle constitue l’une des sources de revenus de certains groupes terroristes.
Sur un plan économique, l’industrie du faux pénalise les marques copiées et crée de fortes distorsions de concurrence. Et le mal reste profond… Début 2022, l’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle (Unifab) a mené une étude auprès d’un échantillon de 25 entreprises membres, issues de tous les secteurs d’activité. « Ces sociétés ont réussi à faire retirer plus de 27 millions d’annonces illicites mises en ligne en 11 mois, note-t-elle. Ces chiffres illustrent bien que la proportion d’articles contrefaisants sur Internet, souvent à un prix approchant celui des vrais produits et avec la photo authentique, s’est intensifiée au gré de l’évolution des habitudes de consommation qui se sont concentrées sur l’e-commerce. » Une tendance qui n’est pas près de s’arrêter.
C’est un délit !
Toute personne qui offre à la vente des marchandises contrefaisantes encourt une peine de prison de 4 ans et 400 000 € d’amende (7 ans et 750 000 € si le délit est commis en bande organisée). L’auteur des faits s’expose, en outre, à la saisie des articles, à une amende douanière et au versement de dommages-intérêts à la marque copiée. Côté acheteur, les sanctions sont identiques. Mais elles restent théoriques. Lorsque l’acte est isolé et qu’il porte sur de très petites quantités, elles se limitent, la plupart du temps, à la confiscation du produit.
Méthodologie
Notre enquête
Elle a été menée du 10 au 13 mai auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Les 1 001 sondés devaient notamment indiquer s’ils avaient acheté sciemment ou non un produit contrefaisant au cours des 24 derniers mois.
Nos résultats
Dans notre article, nous reprenons les conclusions globales de notre enquête. Cependant, les réponses apportées concernant principalement l’habillement, nous ne détaillons les résultats que pour ce seul secteur.
Sandrine Girollet
Observatoire de la consommation