Marie-Noëlle Delaby
Contaminants dans le saumon fuméLes labels ont encore des progrès à faire
Le saumon fait partie de notre alimentation quotidienne au point d’être aujourd’hui le poisson le plus consommé des Français, devant le cabillaud. Fumé, c’est un incontournable des agapes de fin d’année. Pour offrir le meilleur, il n’est pas rare de s’orienter vers des signes de qualité, comme le bio ou le Label rouge. Mais si le goût et la qualité des tranches sont généralement au rendez-vous, niveau contaminants, les saumons labellisés présentent des taux de métaux lourds et de polluants organiques supérieurs aux saumons conventionnels. Revers de la médaille d’un élevage qui privilégie une alimentation proche du régime naturel de ces poissons prédateurs.
Super prédateurs, les saumons sont parmi les poissons les plus contaminés en polluants organiques (PCB et dioxines) et métaux lourds. Des molécules indésirables qui persistent dans le milieu aquatique et s’accumulent au fil de la chaîne alimentaire. À force de manger plus petits contaminés que lui, le saumon concentre ces contaminants dans ses tissus graisseux et contribue beaucoup à l’exposition journalière des consommateurs.
Or, paradoxe fâcheux, nos dernières analyses de saumons fumés montrent que sur 23 saumons fumés, les quatre qui cumulent les niveaux les plus élevés en dioxines, PCB, arsenic et mercure sont les 3 saumons fumés bio et la référence Label rouge. Certes, les résultats de ces mesures restent bien inférieurs aux limites fixées par la réglementation européenne lorsqu’elles existent (1). Mais ils sont bien plus élevés que les résultats que nous obtenons pour les autres références de notre sélection. On retrouve en effet deux fois plus de mercure et quatre fois plus d’arsenic dans certains échantillons bio que dans les conventionnels et jusqu’à neuf fois plus de PCB et de dioxines. Ces taux de contaminations supérieurs au conventionnel s’avèrent très probablement extrapolables à la plupart des saumons fumés bio et Label rouge présents sur le marché.
L’alimentation en cause
Mais pourquoi ces poissons labellisés, pourtant soumis à des cahiers des charges limitant les produits chimiques, sont-ils les plus contaminés ? De manière paradoxale, l’explication la plus probable se trouve justement du côté de ces cahiers des charges et de leur volonté d’offrir un régime alimentaire plus naturel aux saumons labellisés.
Quand, pour des raisons surtout économiques, l’alimentation des poissons d’élevages conventionnels fait la part belle au végétal (céréales, soja, huile de colza), celle des saumons bio et Label rouge est particulièrement riche en ressources d’origine marine (50 % contre 15 à 30 % dans le conventionnel). Un régime plus proche des besoins de ces carnassiers, plus digeste pour le poisson et qui limite même le recours aux antibiotiques. « Les saumons et les truites sont notamment nourris avec des farines et des huiles à base de poissons minotiers. Des espèces non consommées par l’homme, comme certains types de sardines, anchois ou merlans », précise Aurélien Toqueville, de l’Institut technique aviculture (Itavi). Malheureusement, ces poissons bleus, très gras, cumulent les contaminants environnementaux qui se concentrent encore plus dans les farines et les huiles. Au point que les saumons labellisés sont plus contaminés que certains saumons sauvages ! Mais bio ou pas, tous les saumons sont sujets aux contaminations. Le choix d’un bon saumon fumé repose donc également sur d’autres caractéristiques, comme la qualité de sa préparation (fumage, salage) et de sa présentation (parage), des critères pris en compte dans nos tests.
Les insectes sont-ils l’avenir du saumon ?
Les ressources océaniques ne suffisent plus à combler la demande en certaines espèces comme le saumon. Si l’aquaculture répond à cette attente, elle ne résout pas pour autant les problèmes de surpêche, le nourrissage des poissons d’élevage mobilisant un tiers des volumes mondiaux de pêche ! Toutefois, une solution innovante émerge aujourd’hui : l’élevage d’insectes, autorisé depuis le 1er juillet 2017 par l’Europe à des fins d’alimentation en pisciculture. Dans ce domaine, les initiatives françaises fourmillent. Parmi elles, Innovafeed, fondée en 2015, a mis au point une poudre à base de larves destinée à entrer à hauteur de 10 à 50 % dans la composition des farines pour poissons. « Nous nous appuyons sur le principe de biomimétisme, les truites et les saumons mangeant naturellement des insectes dans les cours d’eau », explique Guillaume Gras, un des fondateurs de la start-up, qui vante l’aspect écologique du projet. « Nos insectes sont nourris en revalorisant des biodéchets agricoles comme les pulpes de betteraves des sucreries. » De plus, les larves d’insectes ayant une durée de vie courte, elles seraient peu enclines à fixer les contaminants, ce qui reste à confirmer par des études en bassin. La jeune entreprise a d’ores et déjà signé un accord de principe avec Auchan, qui a annoncé son intention de commercialiser dès le 1er semestre 2018 des poissons d’élevage nourris à la farine d’insectes.
(1) Limites établies pour le poisson frais.
Claire Garnier
Rédactrice technique