Camille Gruhier
Consommation responsableLes freins à la réparation des produits
Allonger la durée de vie des produits est une condition impérative pour réduire les déchets non recyclables que leur fabrication engendre. Mais la résistance est forte. Bien que sensibles à la cause environnementale, les consommateurs ont en effet tendance à remplacer leurs équipements en panne plutôt que de chercher à les réparer. L’UFC-Que Choisir a mené une enquête auprès de dizaines de foyers pour comprendre ce qui coince.
Mais quels sont donc ces freins qui nous poussent à remplacer plutôt qu’à réparer nos appareils en panne ? La réparation apparaît pourtant comme incontournable pour réduire la production de déchets électroniques non recyclables, car elle allonge la durée de vie des produits. L’UFC-Que Choisir, pleinement engagée dans le projet européen Prompt (lire l’encadré), a voulu identifier ce qui coince et dessiner ainsi le contour de solutions qui permettraient d’améliorer la situation. Nous avons donc interrogé des dizaines de foyers (48 précisément) aux profils variés (célibataires, couples sans enfants, familles, seniors) qui ont remplacé leur lave-linge, leur smartphone, leur aspirateur ou leur téléviseur au cours des 6 derniers mois. Perceptions, habitudes, attentes en matière de durabilité de leurs équipements… Ces entretiens ont porté leurs fruits.
Sensibilité à l’écologie
Une bonne nouvelle d’abord : les consommateurs que nous avons interrogés ont révélé une sensibilité accrue aux questions environnementales. Les produits remplacés étaient souvent déjà des appareils de seconde main ou avaient déjà servi de nombreuses années. De plus, bien que les sondés se disent intéressés par les innovations technologiques, ce ne sont pas elles qui déclenchent les nouveaux achats, même pour un smartphone ou un téléviseur (dont les caractéristiques peuvent évoluer rapidement). En revanche, l’évolution des besoins peut entraîner un nouvel achat, même avant que l’appareil tombe en panne. Mais dans ce cas, les consommateurs intègrent le devenir de leur appareil fonctionnel à leur équation : l’ancien téléviseur du salon trouvera place dans une chambre, la machine à laver sera cédée à un proche ou revendue sur des sites d’annonces entre particuliers, etc. Enfin, lors de notre enquête, certains consommateurs ont souligné leur engagement à privilégier des achats responsables. Eux s’orienteront vers un lave-linge peu énergivore, un smartphone réparable comme le Fairphone ou un téléviseur dont la disponibilité des pièces détachées est garantie pour plusieurs années. L’engagement de la France, pionnière en matière de réglementation liée à l’obsolescence des produits (l’indice de réparabilité est en vigueur depuis le 1er janvier 2021), n’est sans doute pas étranger à ces comportements.
La volonté de réparer…
Lorsqu’un appareil tombe en panne, l’hypothèse de le faire réparer est systématiquement envisagée. Dans les deux premières années suivant l’achat, les consommateurs sont encouragés par la garantie légale de conformité. Une garantie commerciale peut prendre le relais si elle a été souscrite au moment de l’achat. Mais au-delà, s’ils estiment que le produit a fait son temps, les consommateurs préfèrent laisser tomber.
… mais des réparateurs source d’insatisfaction
Ce qui coince, c’est la méfiance vis-à-vis des services de réparation. Les consommateurs les jugent non satisfaisants et la démarche trop compliquée : identifier un technicien fiable, apporter le produit ou attendre une visite à domicile, envisager un coût de déplacement à ajouter à celui des pièces détachées... L’investissement en argent, mais aussi en temps, semble trop important. La décision de remplacer un produit vient aussi parfois de l’urgence : difficile de se passer plus de quelques heures d’un smartphone, d’un PC portable ou d’un lave-linge !
Des pistes d’amélioration
Lors de notre enquête, de nombreux consommateurs ont évoqué eux-mêmes des pistes d’amélioration. Un allongement de la garantie légale de conformité apparaît clairement comme un moteur efficace. Ce n’est pas vraiment une surprise. L’allongement de 2 à 5 ans de cette garantie pour les appareils numériques était initialement prévu par la loi REEN (Réduire l’empreinte environnementale du numérique), publiée au Journal officiel le 16 novembre dernier. Il a été supprimé, ce que l’UFC-Que Choisir regrette.
Les autres pistes citées pour faciliter la réparation impliquent plutôt les fabricants. Les consommateurs sollicitent des produits de conception modulable et évolutive dont les composants pourraient être changés facilement ; des appareils bénéficiant d’améliorations logicielles ; dont les matériaux solides résistent au temps. Nos différents tests (réparabilité des smartphones, des PC portables, des lave-linge) prouvent d’ailleurs qu’on est loin du compte.
Le projet européen Prompt
Le projet Prompt (Premature Obsolescence Multi-stakeholder Product Testing Programme), financé dans le cadre du programme Horizon 2020, est un consortium européen qui réunit des instituts de recherche, des associations de consommateurs nationales et leurs regroupements européens (Anec, Beuc, ICRT) et des plateformes de réparation. Son objectif est d’allonger la durée de vie de nos appareils et de contribuer ainsi à l’émergence d’une économie plus circulaire. C’est aussi dans le cadre de ce projet que l’UFC-Que Choisir a mis en place un Observatoire des pannes, grâce auquel vous pouvez signaler vos appareils tombés en panne trop rapidement.