Erwan Seznec
Conseils en investissement financierL’AMF sanctionne
L’Autorité des marchés financiers vient de sanctionner coup sur coup les dérapages de plusieurs conseils en patrimoine. Le cabinet angevin Conseil Patrimoine Finance et ses dirigeants se voient infliger un total de 460 000 € d’amende pour la vente de placements hôteliers à haut risque. Un professionnel toulousain ayant vendu des parts de Sicav dans le vin est interdit d’exercer pour 10 ans. La société A Plus Finance écope quant à elle de 300 000 € d’amende. Autant de sanctions au sujet desquelles de nombreux conseils en investissement financier devraient méditer…
Installé à Angers, Conseil Patrimoine Finance (CPF) fait partie des dizaines de cabinets de conseil en patrimoine qui ont proposé à leurs clients d’investir dans les placements à haut risque du groupe Maranatha, aujourd’hui en redressement judiciaire, sur lequel Que Choisir a attiré l’attention du public il y a 2 ans.
Les faits remontent à 2013 et le contrôle de l’Autorité des marchés (AMF) date de 2015. Le cabinet CPF s’est vu notifier des griefs en décembre 2016. Selon nos informations, il n’avait pas attendu cette date pour appeler ses clients à sortir de Maranatha. Cela n’a pas suffi à lui valoir la clémence de l’AMF. Elle a prononcé une amende de 300 000 € pour le cabinet, plus un total de 160 000 € de sanctions personnelles à l’encontre des trois dirigeants, le 11 avril 2018.
La décision, disponible sur le site de l’AMF, est particulièrement instructive, car elle énumère des manquements très fréquents, que d’autres cabinets ayant vendu des produits Maranatha ont commis eux aussi.
Le cabinet CPF a tenté une parade classique pour échapper à ses responsabilités : il s’est présenté à l’AMF comme un « conseil en gestion de patrimoine », activité non régulée, et non comme un « conseil en investissement financier » (CIF), activité régulée. Une nuance qui échappe à l’immense majorité des consommateurs ! L’AMF a coupé court. CPF « avait la qualité de CIF à l’époque des faits, peu importe que l’activité exercée à ce titre ait ou non représenté une part moindre que celle de conseil en gestion de patrimoine », dit la commission des sanctions. Le cabinet a fourni des recommandations de placement personnalisées, ce qui est le propre d’un CIF, et il ne peut s’exonérer de cette responsabilité par quelques mentions contractuelles en bas de page.
Les faits reprochés : CPF a « omis de faire mention des commissions » que lui versait Maranatha, et a « communiqué des informations ne présentant pas un caractère clair, exact et non trompeur », évoquant des placements peu risqués. Le cabinet n’a pas bien expliqué à ses clients que l’investissement prenait la forme de parts de capital dans des sociétés, avec une possibilité de perte de 100 %. Le cabinet a enfin « omis de remettre un document d’entrée en relation, une lettre de mission et un rapport écrit » aux investisseurs, auxquels il a « fourni des recommandations inadaptées ».
Les fausses promesses enfin sanctionnées ?
La décision concernant Maranatha est à rapprocher d’une autre décision de l’AMF rendue le 4 mai 2018, en rapport avec un placement contre lequel « Que Choisir » avait également mis le public en garde : Nobles Crus.
Là encore, la commission des sanctions a lourdement puni des grands classiques du marketing des placements, en particulier un document donnant « à penser que l’investissement était assorti d’une garantie de remboursement », alors que ce n’était pas du tout le cas. Comme le rappelle l’AMF, « toutes les informations, même à caractère promotionnel », doivent avoir un caractère « clair, exact et non trompeur ». Le cabinet toulousain Marc Bonnet Conseil parlait dans ses brochures commerciales d’un placement dans des grands crus « original, sécurisé et contrôlé ». Original, oui. Sécurisé et contrôlé, non. Sanction : une interdiction d’exercer pendant 10 ans, M. Bonnet ayant aggravé son cas en distribuant Nobles Crus alors que le produit n’était pas autorisé en France. Qu’il l’ait fait par l’intermédiaire d’une Sicav luxembourgeoise n’a pas rendu l’AMF plus clémente.
En décembre 2017, l’AMF avait déjà lourdement sanctionné (300 000 € d’amende) la société A Plus Finance. Celle-ci avait commis de très nombreuses irrégularités, mais parmi elles figuraient déjà les données exagérément optimistes diffusées par son site web ou par ses brochures commerciales au format .pdf. A Plus Finance, par exemple, communiquait une prévision de rendement qui n’était « pas représentative », car fondée sur ses placements « les plus réussis » dans le domaine concerné.
Dans de nombreux domaines, les tribunaux admettent une forme de droit coutumier à l’exagération commerciale. Un promoteur ne sera pas sanctionné s’il affirme que le bien proposé à la vente est à « deux minutes des plages », alors qu’il est à un quart d’heure de la plus proche. Mais ces trois décisions (1) rendues en quelques mois rappellent que les demi-vérités n’ont pas leur place dans la vente de placements financiers, qui ne sont pas des produits comme les autres. Il faut espérer que l’avertissement portera. À eux seuls, Nobles Crus et Maranatha ont touché plus de 10 000 investisseurs. Ils n’auraient jamais pu le faire sans le concours de conseils en investissement financier trop désinvoltes.
(1) Ces décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours (article R.621-44 du code monétaire et financier).