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Compteur LinkyLa Cour des comptes dresse un bilan en demi-teinte

Déployé massivement à partir de 2015, le compteur communicant Linky équipe désormais la grande majorité des foyers français. Mais s’est-il montré à la hauteur des espoirs des pouvoirs publics ? Pas toujours, selon la Cour des comptes.

C’est peu de dire qu’il a fait couler beaucoup d’encre, le compteur électrique Linky, depuis l’annonce de son déploiement en 2015. Nombreux étaient les Français à s’opposer à l’installation chez eux de ce compteur intelligent accusé de produire des ondes nocives ou de collecter des données personnelles.

Linky est passé en force, plusieurs décisions judiciaires tranchant son caractère obligatoire. Neuf ans plus tard, la quasi-totalité des foyers français sont équipés et la Cour des comptes, dans un rapport publié le 29 novembre (1), dresse un bilan globalement positif de ce déploiement massif. Ne serait-ce que parce qu’il s’est fait dans les délais impartis et à un coût inférieur aux prévisions initiales. La facture totale s’élève à 4,6 milliards d’euros, soit 880 millions d’euros de moins que prévus.

Il y a tout de même des « mais ». Pour rappel, cette nouvelle génération devait répondre à trois grands objectifs :

  • améliorer le fonctionnement du réseau tout en baissant les coûts (notamment en facilitant les interventions à distance en cas de pannes) ;
  • faciliter l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence ;
  • permettre une meilleure maîtrise de la demande énergétique.

Si les Linky ont apporté un vrai plus sur le premier objectif, c’est nettement moins le cas sur les deux autres. Ces compteurs intelligents étaient ainsi censés améliorer l’information des particuliers sur leurs consommations et les tarifs appliqués, notamment pour ceux en contrats heures pleines/heures creuses (HP/HC) ou Tempo pour lesquels les prix du kWh varient en fonction des jours ou de l’heure de la journée. Avec l’espoir de les inciter à faire des économies d’énergie (extinction des lumières, des appareils en veille…) ou, du moins, à décaler au maximum leurs consommations électriques sur les plages horaires où l’électricité leur est la moins chère et qui correspondent aux moments où la situation sur le réseau est la moins tendue (la nuit typiquement lorsque la demande d’électricité est faible).

Innovations commerciales insatisfaisantes

Sur cet enjeu de permettre une meilleure maîtrise de la demande, les apports Linky sont inférieurs aux attentes, estime la Cour des comptes. Elle est tout aussi peu satisfaite des innovations commerciales qui devaient naître avec le déploiement des Linky. Ce gain attendu n’est à ce jour pas perceptible. Les fournisseurs d’électricité ont trop peu exploité les potentialités de ces compteurs nouvelle génération pour proposer à leurs clients des offres tarifaires plus attractives et plus poussées que les classiques HP/HC et Tempo que proposaient déjà les tarifs réglementés de l’électricité (TRV) encadrés par les pouvoirs publics. L’enjeu est double pourtant : alléger les factures de leurs clients mais aussi lisser la demande d’électricité pour éviter de trop forts pics aux heures de pointe et ainsi soulager le réseau. La Cour des comptes tempère tout de même en rappelant que d’autres facteurs ont pu concourir à des résultats en deçà des attentes. À commencer par la récente crise de l’énergie qui a poussé les consommateurs à privilégier les offres de fourniture d’électricité à prix fixe, plus rassurantes dans ce contexte d’instabilité.

De plus, le déploiement de Linky n’a pas permis de réduire la fraude et ses pertes économiques comme espéré. Celle-ci a même augmenté à partir de mi-2023 dans plusieurs pays d’Europe, probablement en lien avec la hausse significative des prix de l’énergie, indique le rapport. En 2023, Enedis a évalué son coût à 275 M€ (225 M€ d’achat d’énergie et 50 M€ d’acheminement non facturé). S’il n’a donc pas permis d’empêcher la fraude, le programme Linky en facilite au moins la détection, souligne la Cour des comptes. Grâce au système communicant, 150 000 compteurs ayant fait l’objet d’une intervention frauduleuse ont été identifiés de façon quasi certaine, précise-t-elle.

Un déploiement encore à finaliser

Confié aux entreprises chargées de la distribution d’électricité, le déploiement des compteurs Linky n’est pas encore tout à fait terminé. Même sur le réseau d’Enedis, qui gère et exploite le réseau de distribution sur 95 % du territoire français, on n’est pas encore au 100 %. L’entreprise affichait un taux de déploiement de 95 % cet été et annonçait d’ailleurs appliquer, à partir de l’an prochain, des frais de relève aux particuliers refusant toujours la pose d’un Linky à leur domicile. Mais c’est surtout sur le réseau des entreprises locales de distribution (ELD) que la Cour des comptes pointe des retards. Celles-ci devaient atteindre des taux de déploiement de 90 % à la fin 2024. On en est loin. Strasbourg électricité réseaux (SER), l’une d’elles, atteint tout juste 53,8 %, soit 313 500 compteurs Linky sur ses 582 000 foyers clients. Gérédis, dans les Deux-Sèvres, en est arrivé à 57,7 % (98 000 compteurs installés sur les 147 000). Pour ces deux ELD comme pour Réséda, à Metz, ce déploiement massif ne sera pas achevé avant fin 2025 voire début 2026. La Cour des comptes invite l’État à rester attentif au suivi du déploiement des Linky par ces ELD.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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