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Compléments alimentairesL’Anses enfonce le clou

L’Agence sanitaire réitère un message maintes fois diffusé : rarement utiles, les compléments alimentaires, considérés à tort comme anodins, peuvent s’avérer toxiques.

Faut-il gober tout ce que veulent nous faire avaler les fabricants de compléments alimentaires  ? La question tombe pile dans l’esprit du Printemps de l’esprit critique (voir encadré), centré cette année sur l’alimentation. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et de la santé) profite de l’occasion pour alerter une nouvelle fois sur les dangers de ces produits hybrides, à la frontière de la médecine et de l’alimentation. « Une grande partie de la population pense à tort qu’en prendre est pertinent pour combler des déficits. Même lorsqu’ils ont une alimentation satisfaisante, certains imaginent que le plus est le mieux, déplore Irène Margaritis, adjointe au directeur de l’évaluation des risques. Or, au contraire, un excès de vitamines et minéraux présente un risque. » Et ce n’est pas le seul problème rencontré avec ce type de produit, encadrés de manière trop lâche. À la différence des médicaments, leurs fabricants n’ont pas à demander d’autorisation de mise sur le marché. Et leurs principes actifs très variés, qu’ils viennent de plantes, de minéraux ou autres, ne sont pas toujours bien connus. C’est ce que rappelle Aymeric Dopter, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition : « Pour certains d’entre eux, les connaissances sont maigres. On peut s’interroger sur la pertinence de consommer des substances dont on ne sait pas grand-chose. Sur Internet en particulier, on découvre le côté obscur de ce marché : on vend absolument tout et n’importe quoi ! »

Plusieurs causes de toxicité

Dans le cadre de sa mission de nutrivigilance, l’Anses recueille régulièrement des signalements d’effets indésirables dus à la consommation de compléments alimentaires (1). En 2024, elle en a reçu quelque cinq cents. Chaque année, une petite vingtaine sont assez préoccupants pour faire l’objet d’alertes. Selon Fanny Huret, responsable de cette mission, différentes causes expliquent la toxicité de ces produits.

  • Elle peut venir des ingrédients eux-mêmes. Ainsi, en 2020, des gummies supposés rendre les cheveux brillants ont provoqué des problèmes hépatiques sévères chez 2 consommatrices, dont l’une a dû recevoir une greffe de foie. Le lien entre la consommation du produit et les effets délétères a été jugé « très vraisemblable », mais la raison exacte (interaction entre les ingrédients ou avec leur pilule contraceptive, adultération ou autre) n’a pas pu être déterminée. Les compléments à base de Garcinia cambogia ont, eux, provoqué maints effets indésirables et même un décès : leur substance active est interdite dans les médicaments. Autre exemple, la levure de riz rouge, pour laquelle nous avions montré des problèmes de sous-dosage ou surdosage, peut présenter une toxicité hépatique et musculaire.
  • Elle peut être la conséquence d’interactions. Ainsi, les compléments à base de mélatonine ou de pavot de Californie, pris en cas de troubles du sommeil, interagissent avec de nombreux médicaments. Les experts citent aussi le cas de cet homme séropositif dont la charge virale était maîtrisée… jusqu’à ce qu’il consomme de banals compléments à base de vitamines et minéraux qui ont interagi avec sa trithérapie.
  • Elle peut avoir pour origine la falsification frauduleuse des principes actifs. De nombreux exemples de ces adultérations ont été mis au jour dans le domaine des compléments minceur ou de ceux à visée érectile.
  • Elle peut enfin s’expliquer par le mésusage. C’est le cas chez ces parents qui, au lieu de se rendre en pharmacie pour se faire délivrer des médicaments, achètent de la vitamine D sur Internet pour leurs bébés et se trompent sur les quantités. À la clé, des conséquences irréversibles pour les reins.

→ Lire aussi : Compléments alimentaires – L’antiguide d’achat

Au regard de tous ces risques, l’intérêt des compléments alimentaires apparaît très réduit. L’Anses cite de rares cas dans lesquels une supplémentation est utile, voire indispensable : la vitamine B12 s’impose pour compléter le régime des végétaliens ; les nourrissons doivent recevoir de la vitamine D ; les personnes dont l’exposition solaire est insuffisante peuvent y recourir également ; celles allergiques au poisson pourraient utilement prendre des oméga 3 ; les femmes en âge de procréer qui désirent avoir un enfant peuvent prendre de la vitamine B9 si leur statut est insuffisant. Pour le reste, on l’aura compris, l’Agence déconseille d’avoir recours aux compléments alimentaires dont « la consommation est banalisée, à tort ».

Le Printemps de l’esprit critique (2) se tient annuellement depuis 2022 à l’initiative d’Universcience, structure publique réunissant deux établissements scientifiques parisiens : la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte. Ateliers, conférences, expositions et autres événements, à destination du grand public, des scolaires et des professionnels, se déroulent dans toute la France, avec pour objectif le développement de l’esprit critique « entendu comme la capacité à trier et à qualifier l’information, pour être en mesure de construire, aussi librement que possible, un jugement fondé ». Cette année, il a pour thème l’alimentation et se tient du 1er mars au 30 avril.​​​​​


(1) Il faut les déclarer soi-même ou via un professionnel de santé sur https://www.nutrivigilance-anses.fr/
(2) https://www.printempsdelespritcritique.fr/

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