Camille Gruhier
Clauses abusivesTwitter condamné
L’attente a été longue, mais la conclusion est savoureuse. Après 4 ans de procédures, le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’UFC-Que Choisir dans la première manche du combat judiciaire contre Twitter et les 256 clauses abusives ou illicites de ses conditions générales. L’association obtient 30 000 € pour le préjudice moral porté à l’intérêt collectif, mais surtout la garantie que Twitter ne pourra plus appliquer ces conditions d’utilisation abusives à l’avenir. Bien que susceptible d’appel, cette victoire est de bon augure pour les procédures similaires à l’encontre de Facebook et de Google, toujours en cours.
En 2014, après des mois de discussions amiables infructueuses, l’UFC-Que Choisir assignait Twitter en justice pour faire reconnaître le caractère abusif ou illicite de dizaines de clauses contenues dans ses conditions générales d’utilisation. Après quatre années de procédures, compliquées par la modification des conditions générales en cours de route, le tribunal de grande instance de Paris vient de trancher. Twitter est condamné à 30 000 € pour le préjudice moral porté à l’intérêt collectif des consommateurs. Cette sanction financière est insignifiante pour le réseau social, qui a généré en 2017 un chiffre d’affaires mondial de 2,1 milliards de dollars (sans toutefois dégager de bénéfices). Mais la condamnation a une portée gigantesque pour la protection des données personnelles des utilisateurs. Car bien que plusieurs des clauses contestées ne soient plus appliquées, la décision du tribunal interdit qu’elles ne réapparaissent à l’avenir et acte plusieurs principes fondamentaux.
Vos données vous appartiennent !
En substance, elle reconnaît d’abord que les données des utilisateurs constituent bien une marchandise, puisque Twitter les commercialise pour vendre de la publicité ciblée. Les utilisateurs du site sont donc bien des consommateurs, protégés à ce titre par le code de la consommation. Sans ce préalable, il aurait été impossible de faire juger des clauses comme « abusives ». De même, le contrat entre Twitter et ses utilisateurs doit, du coup, faire l’objet d’une « information précontractuelle ». Comprenez qu’avant de signer quoi que ce soit, le consommateur doit savoir à quoi il s’engage. Le jugement du tribunal, que Twitter devra d’ailleurs rendre accessible à tous depuis sa page d’accueil, reconnaît que ce n’est pas le cas en ce qui concerne le consentement exprès de l’utilisateur. Non, en cochant une petite case pour accepter les conditions du service, le consommateur n’a pas expressément accepté que ses données soient exploitées. Conséquence heureuse, vos photos et vos tweets ne pourront plus faire l’objet d’une exploitation commerciale (publicité, ouvrages, etc.) sans vous demander votre accord. Enfin, dans son jugement, le tribunal reconnaît que Twitter ne peut pas placer ses utilisateurs français sous le coup de la loi américaine, comme il le faisait jusqu’en septembre 2016.
À suivre, Facebook et Google
Le réseau social dispose d’un délai d’un mois pour faire appel. Mais quelle que soit sa décision, ce premier jugement du tribunal s’avère de bon augure pour la suite qui sera donnée aux deux procédures engagées simultanément, et pour les mêmes raisons, contre Facebook et Google Plus. L’examen des conditions générales de ces deux réseaux sociaux n’était pas plus réjouissant, avec des dizaines de clauses abusives ou illicites. Ces jugements sont attendus dans les prochains mois.