Elsa Casalegno
Ça fait cher l’œuf !
Dans les rayons des grandes surfaces, les œufs, lapins et poules en chocolat ont davantage augmenté sur 1 an que la moyenne des produits alimentaires. Surtout, certains prix au kilo atteignent des sommes injustifiées au regard de la nature industrielle des chocolats.
Les cloches vont bientôt passer, il est temps d’acheter les œufs, les poules et les lapins à cacher dans le jardin… Inflation oblige, ils coûteront plus cher cette année, surtout les best-sellers de Pâques, dont les tarifs ont davantage augmenté que la moyenne des aliments. Ainsi, Ferrero ne fait pas dans la modération, avec sa boîte de 6 Kinder Surprise spécial Pâques 11 % plus chère que l’an dernier, et une cloche Ferrero Rocher 8 % plus coûteuse. Les petits œufs mauves de Milka affichent la même hausse. Lindt serait presque raisonnable, avec son lapin doré plus cher de « seulement » 6 %.
D’autres hausses s’avèrent plus modérées : l’échantillon de 80 chocolats de Pâques étudié par Que Choisir enregistre une inflation globale de 5 % par rapport à Pâques 2023 (1). Mais elles restent largement supérieures à l’inflation alimentaire de mars, redescendue à 3 % par rapport à l’an dernier. Peut-être les industriels de la confiserie rattrapent-ils leur retard, leurs produits ayant augmenté de 14 % sur 2 ans quand le rayon alimentaire flambait de 20 % ?
Coûteux chocolat au lait industriel
Les fabricants auraient-ils pu modérer ces hausses ? Sûrement. Ramenés au kilo, certains prix atteignent des sommets. Ainsi, le Maxi Kinder Surprise est vendu la bagatelle de 60 €/kg en grande surface – ça fait cher le jouet en plastique dissimulé à l’intérieur ! Et ce n’est pas la taille qui fait le prix, puisque le Kinder Surprise classique est à 56 €/kg, soit presque aussi cher… Or, une tablette de chocolat au lait composée d’ingrédients équivalents coûte une dizaine d’euros le kilo, voire moins pour certaines marques de distributeur.
Pour des produits industriels, contenant de nombreux additifs et arômes (lire l’encadré), et dont une partie des matières grasses est de l’huile de palme, c’est très cher payé. On pourrait comprendre de tels niveaux de prix si les produits étaient bio ou issus du commerce équitable, mais ce n’est pas le cas ici.
Sollicité, Ferrero n’a pas souhaité répondre à nos questions mais renvoie vers une déclaration de Gilles Rouvière, secrétaire général du Syndicat du chocolat à RMC Conso, le 19 mars dernier. Ce dernier évoque la hausse du prix du cacao, dont « les raisons sont principalement climatiques » (lire l’encadré), ainsi que ceux du lait et du sucre, Néanmoins, il estime que, pour les fêtes de Pâques, « qui représentent 5 % du marché annuel du chocolat, les prix sont maîtrisés » et que « la hausse du prix du chocolat est assez moindre comparée à celle du cacao ». Traduisez : ça aurait pu être pire !
Pour le sucre et les additifs, c’est Noël !
Côté recette, les chocolatiers pourraient vraiment faire mieux. La plupart des confiseries sont des produits industriels ultratransformés, et – sans surprise – défavorables sur le plan nutritionnel, avec beaucoup de sucre (c’est en général le premier ingrédient de la liste) et d’additifs ainsi que, pour certains, des matières grasses végétales. Ainsi, le sucre constitue le premier ingrédient du lapin Lindt, suivi par le beurre de cacao, le lait en poudre et la pâte de cacao. On y trouve aussi du lactose, de la lécithine de soja et un arôme non spécifié, donc probablement artificiel.
Les Kinder ne font pas mieux, avec là encore beaucoup de sucre, mais aussi de l’huile de palme (riche en acides gras saturés déconseillés pour la santé) et de karité (plus équilibrée en termes d’acides gras), des lécithines de soja, classées « tolérables » par notre évaluation des additifs alimentaires, et de la vanilline (2).
Quant aux Schoko-Bons, ils contiennent du sucre, bien sûr, mais aussi du sirop de glucose, des arômes non spécifiés, ainsi que de la gomme arabique et du shellac, deux additifs classés seulement « tolérables ». Ces critiques valent aussi pour la plupart des autres produits, comme les Kit Kat (Nestlé), les Smarties (Nestlé), ou encore les diverses offres des marques de distributeur. Autant de raisons de les consommer avec modération, surtout pour les enfants !
Matières premières agricoles : le cacao et le sucre flambent
Flambée inédite du cacao. Pour expliquer les hausses de prix, Nestlé invoque la « flambée historique du cours du cacao » à un niveau « jamais atteint depuis 50 ans ». Il est vrai que la cotation à la Bourse de New York (la place de marché de référence pour le cacao) a grimpé à plus de 8 300 $ la tonne, du jamais vu. Depuis 2017, le cours oscillait autour de 2 300 $ – un niveau largement insuffisant pour assurer un revenu décent aux producteurs de cacao, qui a « maintenu les deux tiers des producteurs d’Afrique de l’Ouest en dessous du seuil de pauvreté », rappelle Éthiquable, une entreprise alimentaire de commerce équitable. La flambée actuelle des cotations profite en partie aux cacaoculteurs.
Des conditions météo défavorables. La hausse du prix du cacao s’explique initialement par une très mauvaise récolte en Afrique de l’Ouest, due à une météo difficile en 2023 (fortes pluies puis sécheresse) et à des maladies du cacaoyer auxquelles les plantations, vieillissantes et fragiles du fait d’une conduite en monoculture intensive, résistent mal. Des fonds spéculatifs ont amplifié le phénomène.
Prix toujours élevé du sucre. Autre ingrédient indispensable du chocolat, le sucre a vu son prix doubler entre 2020 et 2023 sur les marchés boursiers, à un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 20 ans. Il reflue depuis décembre dernier. Comme pour le cacao, ce sont des conditions météo difficiles au Brésil et en Inde, les deux premiers producteurs mondiaux, qui ont fait pression sur les cours, mais aussi la concurrence de la fabrication d’éthanol.
(1) Prix relevés en ligne sur les drives des principales enseignes le 25 mars 2024.
(2) Arôme obtenu par extraction de gousses de vanille, ou par des procédés chimiques (arôme de synthèse) ou biotechnologiques.