Elsa Casalegno
Yuka gagne le procès en appel
Le jugement de la cour d’appel d’Aix-en-Provence consacre la liberté d’expression, et le droit de dire qu’un aliment n’est pas bon pour la santé, même s’il n’enfreint pas la réglementation. L’appli alimentaire Yuka peut donc déconseiller les charcuteries nitritées.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence (13) a rendu son verdict le 6 décembre : l’application alimentaire Yuka a le droit de dire qu’un aliment n’est pas bon et qu’il existe un risque pour la santé, si cette affirmation est documentée et étayée. Par conséquent, les griefs des charcutiers envers Yuka ne sont pas recevables. L’appli, qui note défavorablement les charcuteries contenant des nitrites ou des nitrates en raison du « risque élevé » de ces additifs pour la santé, était poursuivie en justice par plusieurs professionnels de la filière.
La Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT, qui représente les transformateurs industriels) avait porté plainte pour « dénigrement » et « pratiques commerciales déloyales » et « trompeuses » auprès du tribunal de commerce de Paris en mai 2021, et deux fabricants (les entreprises A.B.C. et Le Mont de La Coste) avaient fait de même en septembre devant les tribunaux de commerce d’Aix-en-Provence (13) et de Brive (19). Ils insistaient entre autres sur le fait que les additifs nitrés sont autorisés, et leur emploi recommandé par les agences sanitaires française et européenne. Condamné à chaque fois, Yuka avait fait appel de ces trois condamnations.
Aider à choisir les meilleurs aliments pour la santé
La cour d’appel, dans un jugement sur le fond, déboute donc la société A.B.C. de ses demandes, et la condamne à verser 20 000 € à Yuka au titre des frais de procédure. Les juges ont estimé que l’appli, en attribuant des mauvaises notes aux aliments contenant des additifs nitrés, agit conformément à la promesse faite à ses clients, à savoir les aider à choisir de façon éclairée des aliments meilleurs pour la santé, sans pour autant se rendre coupable de « dénigrement » envers A.B.C. Une belle victoire pour la liberté d’expression.
Néanmoins, le combat judiciaire n’est pas fini : A.B.C. Industries a indiqué qu’elle allait se pourvoir en cassation. Bernard Vallat, président de la FICT, attend également les jugements des cours d’appel de Paris et Brive. Il espère que leurs juges interprèteront différemment la liberté pour l’appli de « dénigrer » les produits de ses adhérents. « Si Yuka indiquait clairement que "c’est dangereux, mais seulement si vous en consommez trop", ce serait différent ! », a-t-il protesté auprès de Que Choisir. Une façon implicite de reconnaître qu’il y a bel et bien un risque…
Mise à jour du 14 avril 2023 • Et de deux !
Dans le deuxième procès en appel opposant Yuka à un fabricant de charcuteries, la cour d’appel de Limoges a rendu son jugement le 13 avril 2023. La société Le Mont de la Coste est déboutée de ses plaintes et condamnée à verser 20 000 € d’indemnités à la société Yuca (propriétaire de l’appli Yuka).
Les juges, à l’instar de leurs homologues de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (procès l’opposant à l’entreprise de charcuterie ABC), ont consacré la liberté d’expression de Yuka. Ils réaffirment ainsi son droit à alerter les consommateurs des risques de cancer associés aux sels nitrités ajoutés dans les charcuteries, y compris en qualifiant de « mauvais » ou à « risque élevé » [pour la santé] les produits qui en contiennent.
Par ailleurs, les juges soulignent dans leur délibéré que « la réalité des risques entourant l’utilisation des additifs nitrés pour le consommateur peut être considérée comme avérée », et donc que « les questionnements relatifs à la sécurité des aliments et notamment le débat sur les additifs nitrés dans les produits de charcuterie sont un sujet d’intérêt général qui touche à la santé publique ».
Enfin, la pétition lancée en 2019 en association avec la Ligue contre le cancer et l’association FoodWatch, qui réclame l’interdiction de ces additifs (nitrite de potassium, nitrite de sodium, nitrate de sodium et nitrate de potassium), relève également du « droit à la liberté d’expression ». Les juges estiment que le lien vers cette pétition, depuis l’appli Yuka, n’est donc pas répréhensible.
C’est une deuxième victoire pour Yuka, qui attend désormais le résultat du 3e procès en appel l’opposant à la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT), qui représente les transformateurs industriels : l’audience s’est tenue ce 12 mars à Paris, et la décision de la Cour d’appel sera communiquée le 7 juin.
Mise à jour du 7 juin 2023 • Tiercé gagnant en appel pour Yuka
Et de trois ! Sans grande surprise, la cour d’appel de Paris a débouté, ce 7 juin, la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (FICT) de l’ensemble de ses plaintes vis-à-vis de Yuka, et l’a condamnée à verser 60 000 € à l’appli au titre du dédommagement des frais engagés pour les procès (en première instance et en appel).
Yuka peut donc continuer à infliger la note de 0/100 aux charcuteries contenant des additifs nitrés, de les qualifier de « mauvais pour la santé » et de renvoyer vers la pétition commune avec FoodWatch et la Ligue contre le cancer, demandant l’interdiction de ces additifs.