Fabienne Maleysson
CetaDes constats inquiétants… et après ?
Lors d’un contrôle mené au Canada, des inspecteurs européens ont constaté des défaillances graves jetant le doute sur la qualité sanitaire de la viande exportée vers l’Union européenne. Sans conséquences majeures pour l’instant.
Une traçabilité insatisfaisante, des vétérinaires juges et parties, un non-respect des demandes de correctifs de l’Union européenne (UE) : les conclusions tirées par les inspecteurs dépêchés au Canada dans le cadre du suivi de l’accord de libre-échange, le Ceta (1), sont sévères. Ont-elles suscité une quelconque réaction de la Commission ? Une suspension des importations ? Des sanctions ? Non. Pour l’heure, elle se contente d’échanges feutrés avec son partenaire commercial. Les consommateurs européens continueront donc de consommer des produits canadiens potentiellement non conformes à la réglementation, en attendant qu’Ottawa daigne respecter ses engagements.
Pas de viande « aux hormones » ! C’est l’un des rares points sur lesquels les négociateurs européens de l’accord avaient fait preuve de fermeté. Malheureusement, comme l’ont constaté les inspecteurs, les modalités des contrôles mis en place au Canada ne permettent pas de s’assurer du respect de cette interdiction. Les vétérinaires privés agréés pour certifier que les animaux destinés à l’exportation n’ont pas reçu ces activateurs de croissance sont rémunérés par les exploitants, qu’ils conseillent par ailleurs. Une situation de conflit d’intérêts qui remet en question la fiabilité de leurs attestations.
Traçabilité défaillante
Par ailleurs, le système de traçabilité mis en place n’est pas satisfaisant : les différentes bases de données informatiques ne sont pas interconnectées, la traçabilité des bovins admissibles à l’exportation vers l’UE repose principalement sur des documents en version papier incomplets ou contenant des informations erronées, et les contrôles de traçabilité dans les exploitations ont révélé des défaillances. Enfin, les exploitations autorisées à exporter ne se conforment que rarement (un seul des trois établissements visités) aux exigences de l’accord. Tous ces points avaient déjà fait l’objet de demandes de correctifs de la part de la Commission, à la suite d’un rapport d’audit établi en 2014.
Ces insuffisances sont d’autant plus préoccupantes que les contrôles sanitaires en douane sont rares : selon l’accord, seuls 10 % des lots sont supposés en faire l’objet. Et il s’agit de contrôles documentaires et non analytiques. L’Union délègue cette mission de surveillance à son partenaire commercial en vertu de la confiance supposée présider à la signature d’un accord. Manifestement, cette confiance est mal placée.
Occasion manquée
Pour l’heure, l’impact sur les consommateurs européens est certes limité car les importations de viande canadienne le sont aussi. Mais cela pourrait ne pas durer, selon Mathilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen, think-tank sur la transition écologique : « L’ouverture des quotas se fait de façon progressive, et les producteurs canadiens attendent sans doute la ratification définitive du traité pour augmenter leurs exportations. On ne voit pas bien pourquoi le Canada aurait demandé une hausse des quotas sans intention d’en profiter. Par ailleurs, les constats faits dans le cadre du Ceta sont particulièrement inquiétants si l’on songe au Mercosur qui pose des problèmes sanitaires et environnementaux encore plus évidents. » La Commission mise en place par Édouard Philippe pour analyser les impacts sur le développement durable du projet d’accord avec le Mercosur a récemment évoqué « une occasion manquée pour l’UE d’utiliser son pouvoir de négociation pour obtenir des garanties solides répondant aux attentes environnementales, sanitaires, et plus généralement sociétales de ses concitoyens. »
Quant au Ceta, l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat est de décréter un moratoire sur son application et de le renégocier en renforçant les exigences sanitaires et environnementales. Le gouvernement n’a pas fait savoir quelles suites il entendait donner à cette proposition.
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(1) Ceta : Comprehensive Economic and Trade Agreement (« Accord économique et commercial global »).