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Cantines scolairesLes lobbys à la manœuvre

Un nouvel arrêté encadrant les menus dans les écoles est en préparation… et l’agro-industrie est pleinement impliquée.

Qu’as-tu mangé à midi à la cantine ? Si la réponse des enfants n’est pas toujours celle qu’espèrent leurs parents (lire l’encadré), c’est que la loi le permet. L’arrêté « relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire », publié en 2011, rend notamment possible l’introduction du fromage dans chacun des menus, et autorise à servir jusqu’à 4 portions de viande rouge ou charcuterie et 3 desserts sucrés en seulement 5 repas. Les céréales complètes, les légumineuses et le poisson gras peuvent, quant à eux, ne jamais être proposés. « C’est obsolète », commente Chantal Julia, épidémiologiste et membre du Haut conseil de la santé publique (HCSP).

Heureusement, un nouvel arrêté est en préparation. Et le ministère de l’Agriculture nous promet « l’introduction de nouveaux critères […] favorisant les céréales complètes et les légumineuses ». Des « menus dirigés », encourageant les choix les plus sains dans les collèges et lycées proposant plusieurs options, sont également prévus. Mais pour le reste, « nous n’avons pas révolutionné nos recommandations », prévient Marie-Noëlle Haye, présidente du groupe de travail chargé de guider la rédaction du prochain arrêté, au sein du Conseil national de la restauration collective (CNRC).

Conflit d’intérêts

Cette prédiction de relatif statu quo – qui nous a été confirmée par deux autres membres du CNRC – s’explique-t-elle en partie par la composition de ce dernier ? Notre enquête révèle en tout cas qu’y siègent, notamment, l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) ou encore l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev). « La gouvernance du groupe a un conflit d’intérêts évident dans cette question », déplore Chantal Julia.

Marie-Noëlle Haye semble moins choquée de cette participation des producteurs aux recommandations nutritionnelles. « On ne peut pas décider d’arrêter du jour au lendemain de servir des nuggets dans les cantines, au risque de mettre à mal toute une filière. Sinon que fait-on pour les gens qui n’ont plus de boulot ? », interroge la diététicienne.

Pour éviter que les écoliers ne se voient servir les excès de graisses saturées et de sucre produits par notre agro-industrie, un garde-fou est certes prévu. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) devra, une fois le projet d’arrêté rédigé, s’assurer de la conformité de ce dernier aux recommandations alimentaires du HCSP. Mais le gouvernement reverra-t-il forcément sa copie en cas d’avis négatif ? Nous n’avons pas obtenu de réponse. Dommage, car l’enjeu est colossal : « La restauration collective est un levier puissant pour faire évoluer les pratiques alimentaires », écrivait, en 2019, le ministère de l’Agriculture. Avec 75 000 morts par an provoqués par les déséquilibres nutritionnels dans notre pays, et une empreinte carbone alimentaire qui pourrait être réduite de moitié (1), la jeune génération aurait tout à gagner à voir ces pratiques changer.

Repas équilibrés : pas au menu !

Si, malgré l’absence de règles strictes, certaines cuisines s’efforcent de servir des menus relativement sains aux enfants, une rapide recherche sur Internet suggère que beaucoup d’autres ne se soucient guère des notions d’équilibre et de durabilité. Un exemple : pour la plupart des écoliers de Troyes (10), la moitié des repas de juin contiennent de la viande rouge ou de la charcuterie, ainsi qu’un dessert sucré, et près des deux tiers, une portion de fromage au Nutri-Score D. Et aucun poisson gras n’est prévu, alors que 70 % des écoliers français sont en déficit de vitamine D.

(1) Sources : Ademe 2021 et The Lancet 2019.

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