Elsa Abdoun
De nouvelles recommandations
Des chercheurs français ont étudié les conséquences, pour l’environnement et la santé, de différents changements dans les menus servis dans les cantines scolaires. Résultat : instaurer trois repas végétariens, un de poisson et un de volaille ou de porc chaque semaine diminuerait de moitié les émissions de gaz à effet de serre, sans rogner sur l’équilibre nutritionnel.
« Les cantines scolaires ont un rôle essentiel dans la transition vers une alimentation plus durable, du fait des très gros volumes engagés, mais aussi de leur rôle de modèle pour les familles », explique Nicole Darmon, nutritionniste et directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). L’alimentation étant responsable du quart des émissions de gaz à effet de serre des Français, les nouvelles préconisations sur lesquelles planche actuellement le Conseil national de la restauration collective, concernant une éventuelle révision de la réglementation entourant les menus des cantines scolaires, représentent donc un enjeu stratégique. La question principale résidant, pour les experts, dans la proportion de produits animaux et végétaux, car « les végétaux ont un impact environnemental très faible, tandis que les ruminants, tels que les bovins et les moutons, ont un bilan carbone très élevé », rappelle Nicole Darmon.
À l’appui d’une baisse des quantités de viande, l’Anses (Agence sanitaire en charge de la sécurité de l’alimentation) avait déjà publié, en novembre 2021, un rapport d’expertise suggérant qu’il était possible de servir uniquement des repas végétariens dans les cantines scolaires, sans trop perturber les apports nutritionnels des enfants. Mais en mars dernier, Nicole Darmon, associée à des scientifiques de la start-up MS Nutrition, a publié une autre étude (1) aux conclusions moins radicales. Après avoir analysé plus de 2 000 repas types servis dans les cantines scolaires françaises, et modélisé les apports nutritionnels et conséquences environnementales de différents menus, les scientifiques sont arrivés à la conclusion que l’idéal, sur le plan de la santé et de l’environnement, serait de servir aux enfants trois menus végétariens, un menu de poisson et un menu de porc ou volaille chaque semaine.
Des économies de CO2, d’eau… et d’argent
Cette différence de résultat avec l’Anses s’explique par le fait que « les experts de l’Anses ont comptabilisé les consommations moyennes des enfants à domicile pour estimer l’équilibre nutritionnel, alors que nous avons préféré nous assurer que cet équilibre serait apporté par les cantines, quelles que soient les pratiques alimentaires à la maison », explique Nicole Darmon. Avec ce scénario intermédiaire, les bénéfices environnementaux restent de toute façon importants : « Cela représenterait deux fois moins d’émissions de gaz à effet de serre que dans la situation actuelle, mais aussi des bénéfices sur à peu près tous les autres critères environnementaux étudiés, tels que la consommation d’eau ou l’occupation des sols. »
Ces résultats confirment donc la principale conclusion qui pouvait être tirée du rapport de l’Anses, à savoir que les cantines scolaires pourraient faire beaucoup plus, pour la planète, que de proposer un seul repas végétarien par semaine, comme cela est possible actuellement de façon optionnelle. Et cela d’autant plus que « les protéines végétales coûtent généralement moins cher », rappelle Nicole Darmon. Un tel changement pourrait donc permettre des économies aux familles, ou encore un approvisionnement en produits de meilleure qualité, avec par exemple l’apport de bio et de plats cuisinés sur place.
Un sujet de controverse
Suite aux nombreuses réactions à cette publication, notamment de la part de professionnels de l’élevage, Nicole Darmon confie se lancer finalement dans l’analyse d’un scénario supplémentaire, qui réintroduirait, dans le repas carné hebdomadaire, de la viande bovine et de mouton, en plus de la volaille et du porc. « Compte tenu du fait qu’il y a des controverses sur les impacts environnementaux relatifs des différents types de viande, cette option permet de la souplesse, et surtout elle est plus facile à accepter sur le plan culturel », justifie Nicole Darmon.
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(1) https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03618833/