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Cantine scolaireMauvais procès

Le décret sur la qualité nutritionnelle des menus servis dans les restaurants scolaires est attaqué par des végétariens au motif qu’il fait la part trop belle aux produits animaux. La cible est mal choisie.

La parution du décret encadrant la qualité nutritionnelle des repas servis dans les cantines scolaires a suscité la colère de certaines associations de végétariens et élus écologistes, qui dénoncent ce qu’ils considèrent comme une place excessive accordée aux produits animaux. Selon eux, l’ensemble des repas devrait être sans viande et, pour certains militants, sans produits laitiers.

Or qu’impose ce décret ? De la viande à « au moins 4 repas sur 20 ». Les gestionnaires qui souhaitent, pour les 16 autres repas, la remplacer par du poisson ou des œufs le peuvent. Si la filière viande a fait pression, on ne peut pas dire que son lobbying ait été très efficace ! Peut-on préconiser un régime végétarien chez des écoliers, collégiens et lycéens ? Difficilement. « Je ne vois pas comment un enfant ou un adolescent peut combler ses besoins en fer sans manger de viande », avance le professeur Patrick Tounian, pédiatre spécialisé en nutrition à l’hôpital pour enfants Armand-Trousseau à Paris. Si certains produits végétaux, comme les légumes secs, sont bien pourvus en fer, il est beaucoup moins bien assimilé par l’organisme que celui des produits animaux. Il faut donc ajuster les quantités et consommer en même temps des aliments riches en vitamine C, qui favorisent l’absorption du fer. Une gymnastique compliquée pour les parents, encore plus pour les gestionnaires de cantines. « Les adultes végétariens, eux, sont capables de consommer de très grandes quantités de légumes secs, ce qui est matériellement impossible pour un enfant. Ceux qui ne mangent pas de viande s’exposent au risque d’anémie. C’est encore plus vrai chez les jeunes filles pubères qui perdent du sang lors des règles », poursuit Patrick Tounian. L’anémie ferriprive se manifeste notamment par une fatigue anormale, une plus grande sensibilité aux infections et une baisse des performances intellectuelles. Comme d’habitude en matière de nutrition, c’est la modération qui doit prévaloir : s’il est vrai que l’excès de viande favorise cancers et maladies cardiovasculaires, plusieurs études épidémiologiques lient clairement le risque d’anémie au régime végétarien.

Régimes spéciaux

Quant à la fronde anti-produits laitiers, elle est tout aussi infondée sur le plan nutritionnel que leur promotion est excessive. Le calcium n’est pas le seul critère de santé osseuse, mais il en est un élément déterminant, et les produits laitiers en sont incomparablement mieux pourvus que les autres. Pour obtenir l’équivalent du calcium contenu dans une part d’emmental (30 g), il faut consommer 130 g d’amandes ou 500 g de chou, deux végétaux qui comptent pourtant parmi les plus riches.

Cette réaction des végétariens et des végétaliens pose plus largement le problème des régimes particuliers à la cantine. « Aujourd’hui, tout le monde se sent légitime à réclamer des menus spéciaux, déplore Marie-Line Huc, diététicienne spécialiste de la restauration collective. C’est oublier les valeurs de la restauration collective sociale : la santé publique doit primer. Trop souvent, la cantine est le seul endroit où les enfants ont l’occasion de manger un repas équilibré. Beaucoup de familles n’ont pas les moyens de servir de la viande le soir à la maison. » Et dans ces familles, on n’est pas toujours à même de proposer des alternatives végétales permettant d’éviter les carences.

L’attention devrait plutôt se focaliser sur la qualité des produits servis : une enquête des services des fraudes dans la restauration collective sociale (écoles, universités, hôpitaux) vient de montrer que les viandes hachées étaient dans la plupart des cas trop grasses et/ou trop riches en collagène au détriment des protéines. Réclamer un apport mesuré de viande, de bonne qualité, en approvisionnement local, semble légitime. Exiger la suppression totale de la viande, voire des produits animaux, beaucoup moins. « Ce décret est une avancée très nette vers des repas plus équilibrés pour les enfants, c’est vraiment dommage de lui savonner la planche », conclut Marie-Line Huc.

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