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Cancer du seinDocétaxel : l’Agence du médicament évoque 48 décès

Suite à la mort, l’été dernier, de patientes soignées par l’anticancéreux docétaxel, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) révélait, le 29 mars, les premiers résultats de son enquête faisant état de 48 décès suspects au cours des 20 dernières années.

Alertée par le décès de malades sous docétaxel à la fin de l’été dernier, l’ANSM lançait en septembre dernier une enquête dont les premiers résultats ont été révélés mercredi 29 mars. Les patientes dont le cas a été examiné, atteintes de cancer du sein de bon pronostic, étaient brutalement décédées des suites de colites et de chocs septiques survenus après la prise de l’anticancéreux.

L’agence révèle d’une part avoir immédiatement effectué des analyses des lots de médicaments administrés aux trois patientes décédées à la fin de l’été à l’hôpital Gustave-Roussy qui provenaient tous du laboratoire indien Accord. « Les résultats de ces analyses ne font état d’aucun problème de qualité sur ces lots », explique l’ANSM. Ces résultats écartent les soupçons se portant spécifiquement sur le générique du laboratoire Accord (Intas Pharmaceuticals). Si le générique indien est impliqué dans la plupart des décès récents, c’est parce que le fabricant, ayant remporté un marché public, est le principal fournisseur des Centres de lutte contre le cancer (CLCC) français depuis 2015. L’ANSM précise qu’elle mène des analyses sur la qualité des lots de toutes les spécialités contenant du docétaxel commercialisées en France, en complément de ces premières analyses. « Les premiers résultats disponibles ne mettent pas non plus en évidence de non-conformité de ces lots », nous précise le DChristelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'ANSM. L’ensemble des résultats seront disponibles d’ici la fin du mois d'avril, complétées par des données européennes sur les signalements d'effets indésirables.

D’autre part, l’ANSM a analysé les données de pharmacovigilance depuis 1996, date de commercialisation du Taxotère (le médicament de référence), jusqu’à février 2017. L’étude porte sur le Taxotère et l’ensemble des génériques (tous à base de docétaxel) commercialisés en France. Elle concerne le cancer du sein, la molécule étant autorisée dans cette indication depuis 2006, mais aussi d’autres indications comme les cancers de la prostate, du poumon et ORL. En 20 ans, le docétaxel a été administré à environ 400 000 patients.

Deux pics de décès en 2010 et 2016

Si 187 cas de colites ou de chocs septiques ont été rapportés, 48 ont conduit à un décès. Plus de la moitié sont survenus chez des patientes soignées pour un cancer du sein. « Les décès restent rares (de l’ordre de 1/10 000) pour un médicament qui a permis de réduire la mortalité dans de très nombreux cancers », estime l’agence, qui précise toutefois qu’il s’agit là de cas « signalés » qui ne prétendent pas à l’exhaustivité.

Et si certains cancérologues accusent l’ANSM d’avoir trop attendu pour appliquer le principe de précaution dans le dossier du docétaxel, l’agence se défend en arguant que les comportements de déclarations de la part des soignants ont beaucoup évolué en vingt ans. Mais aussi que l’indication relativement récente du docétaxel dans des cancers de meilleurs pronostics, comme le cancer du sein opérable, avait pu contribuer à mieux faire ressortir la survenue des effets indésirables graves.

L’ANSM observe également deux pics dans la survenue des effets indésirables graves (colites et chocs septiques) liés à ce médicament. Le premier en 2010, au moment où le médicament a changé de formulation, passant de deux poches à mélanger avant usage à une seule. Le second en 2016, qui pour l’heure ne semble lié à aucun événement particulier. Faute de pouvoir en tirer des conclusions à ce stade, l’ANSM désire élargir le champ de ces investigations à d’autres effets indésirables.

Recommandation de non-utilisation du docétaxel maintenue

Enfin, si pour l’heure le problème semble exclusivement français, une enquête de l’agence européenne n’ayant pas révélé d’augmentation de la fréquence des effets indésirables graves liés au docétaxel, l’agence française demande qu’une évaluation européenne plus poussée soit conduite, les autorités européennes n’étant pas remontées au-delà de 2 ans.

Si l’ANSM se laisse jusqu’à fin avril pour décider de l’interdiction du traitement, la recommandation de non-utilisation du docétaxel dans les cancers du sein localisés et opérables est pour l’heure maintenue. Une recommandation qui ne concerne pas les autres indications que sont les cancers du sein à des stades avancés et les autres types de cancer, « la balance entre les bénéfices et les risques s’apprécie de manière différente selon chaque situation », précise le DChristelle Ratignier-Carbonneil.

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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