Erwan Seznec
CamifRésurrection en trompe-l’œil
Une PME spécialisée dans la vente de mobilier à distance a racheté le nom et le fichier de clients de la centrale d’achat liquidée en 2009. Sans reprendre l’outil de travail et encore moins les dettes.
En novembre 2008, la célèbre société de vente par correspondance Camif est placée en liquidation judiciaire. Fondée en 1947, elle a accumulé les erreurs de gestion et raté le virage de la vente en ligne. Ce poids lourd de la VPC, qui affichait 800 pages à son catalogue et 230 millions d’euros de chiffre d’affaires pour son dernier exercice, laisse sur le carreau quelque 900 salariés. Sa fin est plutôt houleuse. Les témoignages reçus par l’UFC-Que Choisir montrent que la branche Camif Particuliers a continué d’enregistrer des commandes et d’encaisser des avoirs jusqu’à une période où elle savait impossible d’honorer ses engagements, puisque ses fournisseurs ne la livraient plus. Ces faits ont poussé l’UFC-Que Choisir à porter plainte contre la Camif le 18 novembre 2008, auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Niort.
Malgré cette réputation ternie, le nom est racheté dès 2009 par une PME spécialisée dans la vente de literie en ligne, Matelsom.com. L’entreprise créée en 1995 est de taille modeste. Ses comptes ne sont pas disponibles au Registre du commerce et des sociétés, mais son PDG, Emery Jacquillat, annonce un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros pour 2011. Matelsom a déménagé de la région parisienne à Niort (79), siège de la Camif, suite au rachat. La société communique en ce moment par voie de presse sur la « nouvelle Camif ». Elle a repris le fichier de 3,5 millions de clients de la Camif, « canal historique », et leur consent 7 % de rabais à vie sur son offre. Celle-ci est recentrée autour de la maison. Elle s’inscrit dans les tendances du moment, avec 70 % de made in France et des meubles en bois issus de forêts gérées durablement.
La nouvelle Camif, toutefois, n’est pas allée jusqu’à reprendre les dettes de l’ancienne. Elle n’assumera pas les commandes payées à l’avance et qui n’ont jamais été honorées. Les garanties ou extensions de garanties, qui pourraient éventuellement courir encore, ne la concernent pas davantage. Beaucoup plus petite, sans reprise des salariés licenciés, ni des locaux, ni de la logistique, ni de l’outil informatique, la nouvelle Camif n’a en fait pas grand-chose en commun avec l’ancienne. Il ne suffit pas de baptiser Titanic un honnête voilier pour ressusciter un paquebot naufragé.