Florence Humbert
Bisphénol AVers une interdiction générale
En approuvant une proposition de loi bannissant le bisphénol A de tout contenant alimentaire, le Sénat confirme le rôle pionnier de la France dans l’interdiction de cette substance chimique.
Alors que la toxicité du bisphénol A (BPA) semble de plus en plus avérée, le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi visant à interdire cette substance chimique dans tous les contenants alimentaires. Le texte, préparé par le député socialiste Gérard Bapt, avait déjà obtenu le vote à l’unanimité de l’Assemblée nationale, le 12 octobre 2011. Mais les sénateurs ont créé la surprise en élargissant la mesure d’interdiction non seulement au BPA, mais aussi à tous les perturbateurs endocriniens et aux substances classées reprotoxiques, cancérogènes et mutagènes de catégorie 2 dans les dispositifs médicaux destinés aux bébés et aux femmes enceintes. Toutefois, les sénateurs ont décidé de « laisser du temps au temps ». Après deux heures de débat, ils ont finalement voté l’amendement proposé par le sénateur Gilbert Barbier qui repousse l’entrée en vigueur de la loi au 1er juillet 2015. Dans sa première mouture, le texte législatif fixait cette échéance au 1er janvier 2014. Un délai jugé trop court par la commission des Affaires sociales du Sénat, qui l’avait déjà décalée au 1er janvier 2015 « pour tenir compte des délais de la navette parlementaire ainsi que de ceux de la rédaction des décrets d’application ». Les sénateurs se sont montrés encore plus prudents et surtout plus sensibles aux arguments des industriels qui n’ont cessé de mettre en garde le gouvernement contre l’utilisation dans l’urgence de substituts dont l’innocuité n’est pas suffisamment prouvée. L’interdiction du BPA dès 2013 pour les produits destinés aux enfants de moins de 3 ans est néanmoins confirmée.
« Reculer l’échéance initiale d’un an et demi est stupide du point de vue de la santé publique, d’autant qu’il existe suffisamment de retours d’expériences indiquant que l’industrie agroalimentaire est capable de relever rapidement le défi de la substitution, à l’image de Nestlé, Heinz ou de plusieurs PME du secteur bio aux États-Unis », regrette Yannick Vicaire, chargé de mission au Réseau Environnement Santé (RES), dans un communiqué. Le RES salue néanmoins « la nouvelle étape franchie pour la réduction de l’exposition humaine au bisphénol A ». Présent dans la plupart des bouteilles en plastique rigide, des boîtes de conserve ou des canettes, le BPA dérégule le système hormonal en mimant l’action des hormones naturelles. Avec pour conséquences, une baisse de la fertilité, des effets sur la glande mammaire, le diabète et les pathologies cardiovasculaires. En 2011, après avoir passé au crible toute la littérature scientifique, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) avait jugé nécessaire de le remplacer « sans tarder ». « La France sera le premier pays au monde à adopter une mesure aussi générale », a souligné la rapporteure Patricia Schillinger (PS). Reste à savoir si les députés confirmeront l’essai.