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Bisphénol ALes zones d'ombre de la recherche

L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments appelle de ses voeux des recherches mieux conduites et plus adaptées pour cerner les risques liés au bisphénol A.

Pas d'urgence sanitaire, mais des signaux subtils devant conduire à poursuivre la recherche. C'est le message qu'a tenu à faire passer Marc Mortureux, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), au sujet de l'avis rendu sur le bisphénol A. Ce composé qui fait partie des perturbateurs endocriniens, substances à risque du fait d'interactions possibles avec notre système hormonal, a fait l'objet ces derniers mois de vives polémiques. Les agences française et européenne de sécurité alimentaire se sont jusqu'ici voulu rassurantes, estimant que l'exposition des consommateurs au bisphénol A restait en deçà des seuils toxiques, tandis que des associations comme le Réseau environnement santé plaidaient pour une interdiction de cette substance au nom du principe de précaution. Leur position se base en particulier sur le fait que les perturbateurs endocriniens échappent apparemment à la toxicologie classique selon laquelle c'est la dose qui fait le poison. Avec ces composés, il semble que ce soit plutôt la période à laquelle on est exposé qui joue, l'exposition in utero ou dans la petite enfance semblant particulièrement à risque, même à très faibles doses.

De nombreuses études sur les effets du bisphénol A ayant été publiées ces derniers mois, l'Afssa s'est autosaisie de la question et a mené une revue de cette littérature. Conclusion : des « signaux subtils », notamment des observations sur le rat, d'ordre neuro-comportemental, méritent d'être pris en compte, car les effets interviennent à des doses inférieures à celles jusqu'ici considérées comme sûres. Cependant, les conséquences sur la santé humaine ne sont pas établies, notamment à cause de biais méthodologiques qui ne permettent pas de tirer des conclusions formelles sur le plan scientifique. Effectifs observés insuffisants, groupes témoins inadaptés, études non reproductibles : autant de lacunes qui compliquent le travail d'évaluation du risque.

On ne sait rien de cette exposition

L'Agence considère qu'il convient désormais d'approfondir les recherches en respectant des cahiers des charges strictement encadrés et de développer des méthodologies propres aux perturbateurs endocriniens. Elle appelle aussi de ses voeux une étude sur l'exposition de la population française au bisphénol A. Aujourd'hui, on ne sait rien de cette exposition. Si la polémique s'est focalisée sur les biberons, l'imprégnation alimentaire peut aussi provenir d'autres récipients en polycarbonate (plastique rigide et transparent) et des résines époxy recouvrant intérieurement certaines boîtes de conserve ou cannettes de boissons.

En attendant, l'Afssa conseille aux parents qui utilisent des biberons en polycarbonate d'éviter de les chauffer à forte température (la chaleur favorise la migration du bisphénol A), précaution déjà observée pour éviter les brûlures. Une bonne alternative également : le biberon en verre, sans danger.

L'avis pourra être considéré comme plutôt timide, l'Agence ne recommandant pas de mesures concrètes pour réduire l'exposition. Les experts font cependant remarquer que s'ils se sont refusé à suggérer l'interdiction du bisphénol A dans les biberons, c'est parce que les matériaux plastiques alternatifs au polycarbonate ne sont « ni mieux ni moins bien évalués ». Quant à la révision de la dose journalière admissible, elle est, selon l'Agence, impossible à fonder scientifiquement dans l'état actuel de la recherche.

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