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Bisphénol ALa confusion

Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), le bisphénol A « ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs », même si de nombreux doutes subsistent sur sa toxicité.

Nouveau coup de théâtre dans l’affaire du bisphénol A (1). Au terme de sa dernière évaluation, rendue publique le 21 janvier dernier, l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) affirme « qu’aux niveaux actuels d’exposition, le BPA ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs de tous les groupes d’âge (y compris les enfants à naître, les nourrissons et les adolescents) ». Cet avis rassurant met la France dans une position embarrassante. En première ligne sur le sujet, elle est le premier pays à avoir étendu l’interdiction de ce composé chimique de synthèse, déjà banni dans les tétines et biberons européens, à tous les emballages et contenants alimentaires, à compter du 1er janvier 2015. Cette décision s’appuie sur l’avis de l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui, en avril 2013, alertait sur les risques sanitaires liés à cette substance, considérée comme un perturbateur endocrinien. Plusieurs centaines d’études toxicologiques suggèrent, en effet, que l’exposition au BPA, même à de très faibles doses, peut altérer significativement le système hormonal humain. En conclusion de ses travaux, l’agence française recommandait donc une réduction des expositions au BPA et fixait comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles (nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes ou allaitantes).

Pour sa part, l’EFSA pointe des « incertitudes sur les effets sanitaires potentiels du BPA sur la glande mammaire ainsi que sur les systèmes reproductif, métabolique, neurocomportemental et immunitaire » et reconnaît des « effets indésirables possibles à haute dose pour le foie et les reins ». Elle estime toutefois que l’exposition est faible, y compris pour les populations les plus sensibles. Fermement opposée à sa prohibition dans tous les matériaux au contact des aliments, l’EFSA préconise seulement d’abaisser provisoirement la dose journalière tolérable (DJT) de BPA, de 50 microgrammes par kilo de poids corporel et par jour… à 4 microgrammes. Selon les experts de l’agence, cette DJT, même diminuée, resterait bien supérieure aux niveaux d’expositions réels de la population.

Une prise de position qui suscite l’indignation des ONG environnementalistes. « L’EFSA continue de nier l’évidence. La stratégie du doute mise en place par l’EFSA consistant à ignorer 95 % du millier d’études publiées montrant une toxicité du BPA vise à maintenir l’idée qu’il existe une incertitude quant à la dangerosité réelle du BPA », s’indigne Andre Cicollela, président du Réseau Santé Environnement (RES). « L’Anses, a, au contraire, tenu compte de la littérature récente et proposé dans son rapport de 2013, sur la base de la mise en évidence de tumeurs mammaires chez les souris exposées pendant la gestation, une DJT de 25 ng/kg/jour, soit 160 fois plus faible que celle de l’EFSA. » De son côté, la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, s’est déclarée « très surprise » de cet avis et a annoncé qu’elle allait le faire expertiser « pour voir si le poids des lobbies industriels n’est pas intervenu dans sa publication ». En attendant, la balle est dans le camp de la Commission européenne. Elle pourrait en effet remettre en cause la décision française, en s’appuyant sur l’avis de l’EFSA.

(1) Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique de synthèse utilisé notamment pour la fabrication de plastiques et de résines époxydiques susceptibles de se retrouver dans bon nombre de matériaux au contact des aliments (boîtes de conserve, bonbonnes d’eau, canettes…). Des résidus de BPA peuvent migrer dans les aliments et les boissons et être ingérés par les consommateurs. Le BPA issu d’autres sources que les produits alimentaires (cosmétiques, poussière, papier thermique utilisé dans les tickets de caisse…) peut aussi être absorbé par la peau et par inhalation.

Florence Humbert

Florence Humbert

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