Florence Humbert
Bisphénol ADes règles de plus en plus complexes
Le Conseil constitutionnel censure la suspension de la fabrication et de l’exportation des produits contenant du bisphénol A (BPA) et destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.
C’est une demi-victoire pour les fabricants européens de matières plastiques qui veulent faire abroger la loi de 2010 interdisant le bisphénol A (BPA) dans les contenants alimentaires. Selon Plastics Europe, une association regroupant les principaux producteurs européens, cette loi n’est pas justifiée et fragilise le secteur industriel. La décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) rendue par le Conseil constitutionnel le 17 septembre dernier a apporté de l’eau à leur moulin en censurant la disposition de cette loi interdisant en France la fabrication et l’exportation d’emballages alimentaires contenant du bisphénol A (BPA). En revanche, les Sages ont validé la suspension d’importation et de mise sur le marché en France de contenants alimentaires intégrant cette substance. En résumé, en France on ne peut importer et commercialiser des conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A mais on peut en fabriquer et en exporter car ils sont autorisés dans de nombreux pays.
Depuis la promulgation de la loi, les fabricants de matières plastiques sont vent debout contre les dispositions règlementaires de la France concernant le BPA, alors que de nombreuses études scientifiques tendent à prouver les effets indésirables de cette molécule sur notre système hormonal. À l’instar d’autres perturbateurs endocriniens (phtalates, formaldéhyde, dioxines…) le BPA serait en effet susceptible d’être à l’origine de certaines pathologies (cancers hormono-dépendants, puberté précoce, difficulté de procréation, surpoids, diabète…). Mais alors que Bruxelles s’est contentée de suspendre l’utilisation de la molécule dans les biberons, la France a décidé d’étendre la mesure à tous les contenants alimentaires. Au grand dam des industriels qui utilisent massivement ce composant pour fabriquer des plastiques et surtout des résines époxy qui tapissent l’intérieur des boîtes de conserves et des canettes.
Dans un rapport datant de 2011, le gouvernement français préconisait la recherche d’alternatives au bisphénol A dans les contenants alimentaires. Mais aux dires des industriels, les substituts sans risques reprotoxiques sont encore loin d’être au point.
Les fabricants de plastiques ont d’autant plus de raisons de traîner les pieds, qu’un avis récent de l’Autorité européenne de la sécurité de l’alimentation (EFSA) a conclu que le BPA ne présente pas de risque pour les consommateurs (tout en diminuant de 50 à 4 microgrammes par kilogramme de poids corporel et par jour la dose journalière tolérable de BPA !). Un avis qui isole encore un peu plus la France face aux autorités européennes. Profitant de cette faille, l’association Plastics Europe a immédiatement ouvert une procédure précontentieuse auprès de la Commission européenne pour entrave à la libre circulation des marchandises dans l’UE. La partie de bras de fer entre l’industrie et le gouvernement français est donc loin d’être terminée.