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BiodiversitéLes champignons aussi sont menacés

La première liste rouge des champignons menacés de disparition révèle que de nombreuses espèces de bolets, lactaires et tricholomes pourraient disparaître du fait de l’activité humaine. Il n’existe actuellement aucun programme dédié à la préservation des champignons.

12 espèces « menacées » d’extinction et 16 « quasi menacées », sur les 319 espèces de bolets, lactaires et tricholomes recensés, soit 9 % des champignons à chapeau. C’est le constat inquiétant dressé dans la première liste rouge des champignons menacés de disparition en France métropolitaine, publiée en avril 2024. Ce document est issu de 3 ans d’investigations menées sous l’égide du Comité français de l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN), de l’Office français de la biodiversité et du Muséum national d’histoire naturelle (1).

En l’occurrence, il s’agit d’espèces peu fréquentes, donc d’autant plus fragiles, et souvent localisées dans des endroits peu accessibles. C’est par exemple le cas du lactaire des saules réticulés et du lactaire jaune et lilas, tous deux en « danger critique » d’extinction, soit la dernière étape avant l’extinction totale, qui s’observent en montagne pour le premier et en forêt, sur des sols tourbeux, pour le second. Mais aussi du bolet rubis (dans les parcs et forêts périurbaines), du bolet de plomb (dans les forêts anciennes de hêtres et de chênes) ou encore du tricholome brûlant (dans les forêts de résineux de montagne), en « danger ».

Mais cet état des lieux est largement sous-évalué. En effet, les chercheurs estiment que les connaissances sont insuffisantes pour le quart des champignons recensés, ne permettant pas de déterminer leur éventuelle vulnérabilité.

En cause, l’activité humaine

Les causes de ces risques de disparition sont toutes d’origine anthropique. « La première grande menace est la destruction des habitats par une exploitation forestière mal menée », estime Florian Kirchner, chargé du programme « espèces menacées » au sein de l’UICN. Il énumère les pratiques dommageables : l’abattage des vieux arbres et les coupes rases, qui détruisent l’habitat des champignons et leur lien symbiotique avec les arbres ; l’implantation de nouvelles espèces forestières, par exemple des plantations de pins remplaçant des forêts de chênes ; le drainage et la création de routes pour l’exploitation forestière. « La deuxième grande menace est le réchauffement climatique, rapide et brutal, et ses conséquences (sécheresses, incendies de forêts, tempêtes), les espèces n’ayant pas le temps de s’adapter. » Viennent ensuite la destruction des habitats par des aménagements touristiques en montagne ou en bord de mer (pour le ski, les quads et motocross, etc.) et par le piétinement des foules, mais aussi la conversion de certaines forêts en terres agricoles (pour les espèces forestières) ou à l’inverse la déprise agricole avec la fermeture de milieux ouverts (pour les espèces prairiales), et certaines pratiques agricoles comme l’épandage d’engrais et de fongicides ou le pâturage intensif.

Les pressions sont donc multiples. Malheureusement, « il n’existe à ce jour aucun programme dédié à la préservation des champignons, du fait du manque de connaissances sur ce sujet, regrette Florian Kirchner. Nous n’avons étudié que 319 espèces de champignons, sur les 9 300 espèces de champignons à chapeau présentes en métropole, et sur les 20 000 espèces de macromycètes (les champignons visibles à l’œil nu). » Le ministère de la Transition écologique devrait tenir compte de ces travaux pour compléter la liste officielle des espèces menacées, et élaborer ses prochaines politiques de protection de l’environnement. Saura-t-il résister aux pressions des filières (en particulier la sylviculture et le tourisme), dont les intérêts seront contrariés par de nouvelles restrictions ? Il est possible de concilier les différents impératifs, estime Florian Kirchner, mais pour cela, il faut « cartographier les forêts à très forte valeur écologique, qu’il faudra exploiter judicieusement – par exemple sans coupe rase – et les distinguer des forêts pauvres en biodiversité, en général des forêts de plantation dédiées à l’exploitation du bois », de moindre intérêt pour la conservation des espèces.

Champignons comestibles : pas encore menacés

Amateurs de champignons, rassurez-vous, vos girolles, cèpes et pleurotes ne sont pas en voie de disparition – du moins à l’heure actuelle ! « Les champignons consommés sont des espèces fréquentes, précise Hervé Cochard, président de la Société mycologique de France. Elles ne sont pas menacées, même si elles se raréfieront avec le changement climatique. Les automnes sont en effet de moins en moins propices à la pousse, car les sécheresses sont de plus en plus fréquentes à cette période, ce qui pénalise la fructification. »

Ne prenez pas de risques

Attention, la période des champignons s’accompagne chaque année de son lot d’intoxications alimentaires. Ne prenez pas de risques inconsidérés, et tenez-vous-en aux espèces que vous connaissez parfaitement. « Avec la mondialisation des échanges, on voit arriver de nouvelles espèces inconnues chez nous, qui ne sont pas toutes comestibles. Par exemple, l’amanite vireuse, récemment importée des USA, ressemble à un rosé-des-prés, mais elle est mortelle ! »

L’amanite vireuse, aussi appelée Ange de la mort, ressemble à s’y méprendre au rosé-des-prés.

Méfiez-vous aussi des applis sur smartphones : on recense davantage de cas d’intoxications avec cette méthode de détection qu’avec les méthodes classiques, car l’identification est encore approximative. Dans le doute, demandez conseil à un pharmacien ou un spécialiste.

Laissez-en aussi pour les autres, et pour la nature. Selon les régions, des arrêtés préfectoraux peuvent interdire la cueillette dans certaines zones ou à certaines périodes, ou alors limiter la quantité de collecte par personne. Renseignez-vous avant de chausser vos bottes.​​​​​​


(1) La liste rouge des espèces menacées en France est un état des lieux de la menace d’extinction qui pèse sur la faune, la flore et la fonge (les champignons) en métropole et outre-mer. Cet inventaire, qui classe les espèces selon leur risque de disparition, est l’outil de référence pour les politiques de protection de la nature et de la biodiversité.

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