Morgan Bourven
Google coupe les ailes de Viagogo
Après des années de plaintes de la part d’artistes, producteurs de spectacles et consommateurs, Google a annoncé sa décision de bannir le site de revente Viagogo de sa plateforme de publicités. Le site, spécialiste de la revente de billets (vrais et faux) à prix gonflés, ne pourra plus apparaître en tête des résultats de recherche.
Est-ce le début de la fin de Viagogo, ce site qui propose des billets de spectacles, concerts ou évènements sportifs à des prix « surgonflés » et où les faux billets sont légion ? Malgré nos mises en garde répétées depuis son arrivée en France, en 2011, ses victimes se comptent par milliers, en France et à l’étranger. Basé dans le paradis fiscal du Delaware (États-Unis), le site semblait n’avoir cure des multiples plaintes des producteurs, complaintes des consommateurs et enquêtes des autorités. C’est finalement Google qui pourrait réduire son pouvoir de nuisance.
Le géant du numérique, dans un communiqué publié le mercredi 17 juillet, a annoncé son intention de bannir, avec effet immédiat, le site Viagogo de son service de publicités, qui lui permettait d’apparaître en haut des résultats de recherche des internautes. « Lorsqu’un utilisateur utilise notre plateforme afin d’acheter des tickets, nous voulons être certains de leur offrir une expérience digne de confiance, explique Google. C’est pourquoi nous avons des règles strictes et prenons les mesures adéquates lorsqu’un annonceur ne les respecte pas. »
Des litiges dans de nombreux pays
Cette annonce est une très bonne surprise. Interrogé par Que Choisir en 2018, le moteur de recherche s’était dit « conscient du problème » et nous avait assuré que toutes les annonces litigieuses signalées par les producteurs étaient « immédiatement supprimées », mais avait refusé de bannir complètement le site. Depuis, une lettre ouverte signée de députés britanniques, de l’organisation UK Music et de la Fédération anglaise de football a été adressée à Google, tandis que la répression des fraudes britanniques a ouvert une enquête sur les pratiques du site. Une pression qui a vraisemblablement porté ses fruits.
Si cette victoire est importante, c’est parce que Google était la porte d’entrée principale de Viagogo. Selon le site SimilarWeb, qui analyse le trafic en ligne, 75 % des visites du site proviennent de moteurs de recherche. Chacun des témoignages reçus par Que Choisir commence par une requête sur Google, où Viagogo apparaissait en tête des résultats de la très grande majorité des recherches liées à un évènement. Le site s’est d’ailleurs, toute honte bue, déclaré « extrêmement surpris d’apprendre aujourd’hui les inquiétudes de Google ». Dans un communiqué, Viagogo se dit « confiant dans le fait qu’il n’y a pas eu de violation des conditions d’utilisation de Google » et « a hâte de travailler avec [Google] pour résoudre cela aussi vite que possible ».
Une riposte globale
Cette décision de Google intervient alors que la saison des festivals et concerts bat son plein. La ruée vers les billets de ces évènements très prisés – tels que le festival des Vieilles charrues, à Carhaix (Finistère), l’un des premiers à avoir gagné en justice contre Viagogo – a incité le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) à lancer une campagne d'information sur les risques d'utilisation des sites non agréés de revente de billets de spectacles ou d'évènements sportifs : Viagogo, mais aussi StubHub, Rocket-Ticket ou Mywayticket. « Les problèmes rencontrés avec des billets achetés sur le marché en ligne de deuxième main se répandent rapidement dans toute l'UE », déplore Monique Goyens, directrice générale du Beuc, dans un communiqué.
Le Beuc rappelle qu’il n'existe pas de réglementation commune à l'échelle européenne pour défendre les consommateurs. Certains pays autorisent la revente de billets, tandis que d’autres, comme le Danemark ou la Belgique, interdisent la revente à un prix supérieur à la valeur initiale du billet. En France, une loi de mars 2012 a mis en place des sanctions pour les sites qui vendent des billets sans autorisation. Elle a permis d’endiguer la prolifération de sites français, mais se révèle peu efficace contre ceux situés à l’étranger.
La réponse vient aussi des organisateurs eux-mêmes. Bourses de revente officielles, contrôles d’identité à l’entrée des concerts, mise en vente de quotas de places quelques semaines avant les concerts pour lutter contre le marché noir… Les stratégies sont variées.
Des places activées seulement une heure avant le début du concert
Plus sophistiquée, l’application britannique de billetterie Dice s’est lancée en France à la fin du printemps, afin de « combattre le marché frauduleux de la revente des billets et les arnaques ». « Nous avons lancé l’application il y a cinq ans, avec comme objectif d’empêcher, grâce à la technologie mobile, les billets d’être revendus », nous a expliqué Russ Tannen, chief revenue officer de Dice. Alors que les sites de second marché comme Viagogo permettent à des personnes mal intentionnées de revendre les mêmes billets, au format pdf, à plusieurs personnes, Dice ne propose à ses utilisateurs qu’une place dématérialisée qui n’est activée, de façon sécurisée, qu’une heure avant le début du concert, sous forme de QR code à présenter sur son téléphone. « Lors de votre achat, vous ne voyez sur votre appli que le nom et la date de l’évènement : il n’y a rien que vous puissiez copier pour le revendre à quelqu’un d’autre », souligne Russ Tannen. Et si l’acheteur ne souhaite plus se rendre à l’évènement, il a la possibilité d’annuler sa commande : le billet, qui n’a pas encore été généré, est alors proposé à d’autres spectateurs, inscrits sur une liste d’attente. Dice a d’ores et déjà signé plusieurs partenariats avec des salles et producteurs parisiens pour proposer leurs billets de manière sécurisée.
6 conseils pour ne pas se faire piéger
- Consultez les sites de confiance signalés sur les affiches des spectacles (Fnac, Digitick, FranceBillet, Ticketmaster…), partenaires des événements choisis et vérifiez sur ces sites le prix des places.
- Ne vous fiez pas aux moteurs de recherche. Ils affichent souvent en premier des sites frauduleux ayant payé pour être placés en avant.
- Lorsque des frais exorbitants apparaissent au moment du paiement, ou si la place est trop chère, fuyez le site : il n’est pas sérieux.
- Si vous pensez avoir été escroqué, contactez l’antenne départementale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la police ou encore la gendarmerie.
- L’événement est complet ? Avant d’aller sur un site pas « très net », vérifiez s’il n’existe pas une bourse d’échanges officielle validée par l’organisateur du spectacle.
- Vous avez votre billet ? Ne le mettez jamais en photo sur les réseaux sociaux. Des personnes malintentionnées pourraient en faire une copie et, grâce à son code-barres reproduit, entrer avant vous au spectacle. Vous seriez alors refoulé, même si vous avez votre billet en main !