Boris Cassel
Bilan environnemental des Jeux olympiquesCe plastique qui ne passe pas
Paris 2024 assure avoir divisé par deux les émissions de CO2 par rapport aux Jeux olympiques de Londres. Si les efforts ont été réels pour limiter les rejets de gaz à effet de serre, Paris 2024 est loin d’avoir tenu sa promesse initiale de « trajectoire zéro déchet et zéro plastique à usage unique pendant l’événement ». En cause, les millions de bouteilles plastiques utilisées pour stocker les rafraîchissements sur les sites de compétition. Le distributeur de boisson exclusif des jeux, Coca-Cola, est accusé, à ce sujet, d’avoir fait du greenwashing par la fondation France Nature Environnement, qui a porté plainte.
Annoncés comme les Jeux olympiques d’un nouveau type, bien plus « responsables », les JO de Paris 2024 ont-ils, finalement, été écolos ? À en croire le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), qui vient de publier son bilan environnemental, jamais une compétition sportive d’une telle ampleur n’a eu aussi peu d’impact sur l’environnement. Qu’il s’agisse de la construction des équipements, de l’acheminement des spectateurs et des athlètes en France, de l’énergie consommée ou de l’alimentation dans les stades, l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques se serait, selon ce bilan, traduite par le rejet de 1,59 million de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. « On a réduit l’impact carbone des jeux de 54,6 %, par rapport aux éditions précédentes, la moyenne des Jeux de Londres et de Rio est établie à 3,5 millions de tonnes », assure Georgina Grenon, directrice de l’Excellence Environnementale de Paris 2024.
Peu de nouveaux équipements, recours massif à la location plutôt qu’à l’achat, choix d’utiliser l’électricité du réseau électrique plutôt que celle de polluants groupes électrogènes, proposition d’une offre de restauration végétarienne, plus de 80 % des spectateurs utilisant les transports en commun ou les mobilités douces pour se rendre sur les lieux de compétition, etc. De véritables efforts ont été faits pour limiter l’impact des JO sur l’environnement. Néanmoins, l’organisation d’un événement attirant 7,5 millions de personnes (dont un tiers venant de l’étranger) n’est pas neutre sur le climat. Pour mémoire, ce niveau d’émissions (1,59 million de tonnes de CO2) correspond, à peu près, aux rejets annuels de 130 000 Français !
Promesses nombreuses et floues
Mais le gros point noir de ce bilan environnemental reste la gestion du plastique. Paris 2024 n’a pas tenu toutes ses promesses en la matière, tant elles étaient nombreuses et floues. Ainsi, en novembre 2020, dans son « Engagement pour Paris 2024 », celui d’un « nouveau modèle d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques pour contribuer à la transformation écologique », les organisateurs annonçaient une « trajectoire zéro déchet et zéro plastique à usage unique pendant l’événement ». Dont acte. Puis, à l’approche des festivités, l’objectif officiel évolue, Paris évoque alors une division par deux des plastiques… Qu’en est-il finalement ? Le bilan dressé par Paris 2024 fait état d’une baisse de « 52 % de plastique à usage unique sur la fourniture de boissons par Paris 2024 […] par rapport à Londres 2012 ». Soit plusieurs millions de bouteilles en plastique écoulées dans les buvettes des JO. On comprend mieux pourquoi les objectifs ont été changés en cours de route : il y avait encore pas mal de chemin à parcourir avant d’atteindre le « zéro plastique » !
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Qu’est-ce qui a cloché ? En cause, notamment, la vente des boissons dans les stades et sites de compétition, qui était assurée exclusivement par les équipes de Coca-Cola. L’entreprise américaine et Paris 2024 ont beaucoup communiqué sur la distribution de boissons dans des gobelets réutilisables et consignés (facturés 2 €). « Nous allons proposer des gobelets consignés, réemployables. Le but : zéro déchet d'emballage sur ces Jeux », s’emballait même Mickaël Vinet, président de Coca-Cola France, lors d’une interview sur France Info en avril 2024. Car, promettait-on, ces gobelets devaient être alimentés par des fontaines à sodas, comme celles installées dans de nombreux fast-foods. Quelque 700 fontaines auraient ainsi été déployées sur les sites de compétition.
Le hic, c’est que nombre de spectateurs ont assisté à des scènes bien moins « zéro déchet » lorsqu’ils allaient acheter une boisson aux stands de restauration des sites de Paris 2024 : les serveurs prenaient des bouteilles en plastique, souvent de petite contenance (50 cl), les ouvraient, vidaient le contenu dans les fameux gobelets consignés, avant de jeter les bouteilles à la poubelle ! Aberrant. Et voilà comment un consommateur pensant avoir respecté l’environnement en prenant son breuvage dans une écocup réutilisable à 2 € avait, en réalité, bu le liquide d’une bouteille en plastique à usage unique. C’est ce qui a poussé, fin novembre, le réseau d’associations France Nature Environnement à porter plainte auprès du parquet de Nanterre contre « Coca-Cola Europacific Partners France pour pratiques commerciales trompeuses ou “greenwashing” ». Contacté, Coca-Cola n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
« Les fontaines ont été inventées pour Paris 2024. Mais nous n’avons pas pu les installer partout, parce qu’il y avait des limites opérationnelles », précise Georgina Grenon. Paris 2024 explique qu’à défaut, le fait de ne pas donner directement les bouteilles aux consommateurs mais de les vider dans des gobelets leur a permis de collecter ces déchets à la source et de pouvoir ainsi les recycler plus facilement. « Ce que les gens voyaient, c’est que la bouteille était versée dans le gobelet, mais nous on voyait que 100 % de ces bouteilles-là seraient recyclées », souligne Georgina Grenon. Tout ne serait donc qu’une question de point de vue…