Arnaud Murati
AutoPourquoi les pièces détachées valent toujours plus cher
Toujours plus belles, plus technologiques mais aussi toujours plus rentables pour leurs concepteurs, les pièces détachées automobiles deviennent des produits de luxe. Un simple bloc optique a vu son prix moyen flamber de 70 % en l’espace de 5 ans !
La Fédération des industries des équipements pour véhicules (Fiev) tirait déjà la sonnette d’alarme en septembre dernier. « Le Clepa et le Figiefa [des fédérations professionnelles, ndlr] ont observé une tendance croissante : de plus en plus de pièces ne peuvent être obtenues que directement auprès des constructeurs automobiles. Ces pièces nécessitent souvent des procédures spécifiques de codage ou d’activation, ce qui peut considérablement augmenter le coût des réparations », soulignait-elle, avant d’appeler à mettre en place « une législation réactive et adaptée, impérative pour protéger les consommateurs face à cette augmentation des coûts ».
Les derniers chiffres dévoilés par l’association SRA, qui réalise des études pour le compte des assureurs, n’ont donc rien de stupéfiant. Un bloc optique avant cassé lors d’un accrochage ? Celui-ci coûte désormais 827 € en moyenne en France, contre 754 € en 2023 et 486 € en 2019. Soit +9,7 % sur 1 an, et +70 % en l’espace de 5 ans. Idem pour les feux arrière (+52 % sur 5 ans) ou encore les feux avant, c'est-à-dire les feux diurnes : +65 % sur 5 ans.
Le cabinet Facts & Figures, qui travaille lui aussi pour le compte des assureurs, a concomitamment dévoilé les évolutions de tarifs de son référentiel automobile. Le cabinet suit en effet 200 modèles et leurs références dans le temps pour en analyser les variations tarifaires. Il distingue plusieurs niveaux de produits en fonction de leur génération. À ce jour, un rétroviseur dit de niveau 3 constitue l’équipement le plus courant sur les voitures : il est électrique et se rabat aussi électriquement, sans autre fonctionnalité. Entre 2021 et 2024, ce rétroviseur conducteur de niveau 3 a vu son prix moyen passer de 362 € à 423 €, soit une hausse de 16,8 % en 3 ans. De la même manière, un pare-choc de niveau 2, c'est-à-dire un pare-choc doté de capteurs de recul, a vu son prix moyen flamber de 100 € en l’espace de 3 ans : 506 € en 2021, 606 € en 2024, soit une hausse de quasiment 20 %. Même constat sur le prix des pare-brises, avec un prix de vente moyen de 533 € en 2021 et de 600 € en 2024 pour un élément doté de capteurs de pluie ou de luminosité. Au global, les coûts de réparation observés par Facts & Figures ont progressé de 6 % cette année.
Démocratisation du luxe
Comment expliquer de telles hausses d’année en année ? « Au travers de l’évolution de leur mix, les constructeurs génèrent du chiffre d’affaires », analyse Cyrille Chartier-Kastler, le dirigeant de Facts & Figures. Celui-ci entend par là que les constructeurs automobiles, qui ont un monopole sur une bonne partie des pièces, n’ont de cesse de proposer des éléments toujours plus sophistiqués : un rétroviseur n’avait en effet pas d’électronique dans les années 1980-1990, contrairement à aujourd’hui. Un état de fait qui entraîne un renchérissement intrinsèque de la pièce mais aussi des coûts de réparation lorsqu’il s’agit de remettre le rétroviseur d’aplomb.
Les progrès technologiques notamment réalisés sur les phares expliquent aussi en partie pourquoi le prix des éléments lumineux a flambé ces derniers temps. SRA prend pour exemple une Peugeot 208 pour sa démonstration, car celle-ci, selon son niveau de finition, propose trois technologies de phares différentes. Un bloc optique halogène, réservé aux finitions de base, coûte 531 € à ce jour. S’il est à led, la facture grimpe à 778 €. Si, enfin, ce bloc est full led, comme c’est le cas sur les versions de 208 les plus huppées, la note grimpe à 1 604 €. Soit rien de moins que 1 073 € d’écart entre le phare halogène et son homologue à led, qui se montent pourtant tous deux sur la même voiture.